Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges
Autoren: Claude Izner
Vom Netzwerk:
peine la nudité d’Eudoxie. Pouvez-vous remettre l’heure de votre bain ? Venez contre moi, allongez-vous. Autant être confortable.
     
    — Réveille-toi, mon amour, non, ne bouge pas, ton pansement va glisser, laisse-toi faire…
    Il grommela pour la forme et s’abandonna aux caresses de Tasha, bercé par la grêle qui s’abattait sur la capitale après une journée hivernale.
    La lisière séparant la conscience du rêve était sur le point de s’abolir. Déjà Victor basculait dans un univers où les plus folles aventures deviendraient logiques et où la réalité n’aurait plus le même aspect. Une main souleva draps et couvertures, un corps frais épousa le sien, un bras l’étreignit. Il hésita, attiré par les chimères nocturnes.
     

 
     
     
     
     
ÉPILOGUE
    Mardi 10 mai 1892
    Sous la marquise vitrée de la gare de l’Est que bleuissait le crépuscule, des nuages de vapeur s’étiraient en écharpes. Des motrices trépidaient, des théories de porteurs fendaient la foule. Une rumeur enfla, un régiment de sapeurs embarquait pour les grandes manœuvres. Une ovation retentit :
    — Vive l’armée !
    Des applaudissements crépitèrent, couverts du halètement d’une locomotive.
    Louvoyant entre les chariots de bagages, Tasha se hâtait le long du quai, à la recherche de son compartiment. Victor la suivait, sa valise à bout de bras. Il avait espéré qu’un incident mécanique empêcherait le train de se former. Mais le flot des voyageurs les emportait tous deux auprès de wagons aux vitres éclairées parés à dévorer des kilomètres. Encore dix minutes et elle serait en route vers sa première étape, Strasbourg.
    — C’est ici.
    II s’approcha, jeta un regard à un crieur qui proposait les journaux du soir.
    — Tu en veux un ?
    Elle secoua la tête.
    — J’ai de quoi lire.
    Il hissa la valise. Elle se figea, hésitante, comme si elle comprenait seulement alors qu’ils allaient être séparés. Une bouffée de musique militaire se mêla à des grincements d’essieux. Ce tintamarre crispa les traits de Victor, déjà creusés par plusieurs nuits d’insomnie. Elle l’observait avec inquiétude. Elle lui effleura le front afin de lisser une mèche rebelle, son doigt descendit jusqu’à ses lèvres.
    — Mon petit, murmura-t-il, la pressant contre lui. Elle ferma les yeux, retint son souffle.
    — Comment cela se passera-t-il ?
    — Le mieux du monde. Tu vas rejoindre ta mère, la soigner, la ramener. Le plus vite possible.
    — Promets-moi d’être sage : pas d’enquête.
    — C’est cela, être sage ? Et les femmes ?
    — Rien qu’Iris et Euphrosine.
    Il ébaucha une grimace et l’aida à monter en lui soulevant le coude.
    — Va t’asseoir, je déteste les adieux, grommela-t-il.
    Elle continuait à le contempler, et soudain redescendit. Leurs lèvres allaient se toucher, lorsqu’une famille nombreuse, affolée par l’imminence du départ, les bouscula, à l’assaut du marchepied. Victor poussa Tasha derrière eux.
    — Je t’écrirai ! eut-elle le temps de crier avant qu’un contrôleur ne claque la portière.
    Un coup de sifflet fusa, puis un second plus strident. Une légère secousse ébranla le wagon, qui se mit à glisser à travers les nuées blanches de la locomotive. Victor marchait d’un pas rapide, les yeux rivés au visage brouillé qu’il devinait en larmes. Il courut un moment, pendant que le train filait en direction de feux verts et blancs précédant la nuit. Il s’arrêta net et, d’un revers de main, essuya ses paupières, avant de regagner lentement le hall des grandes lignes.
    À présent que Tasha était partie, la pression retombait. Il n’éprouvait qu’un intense désir de s’anéantir dans le sommeil. Enfin il s’échoua au fond d’un fiacre. Bercé par le roulis, il se laissa aller contre le dossier du siège et somnola un moment.
    Il s’éveilla en sursaut. Bloqué à un carrefour sur le boulevard, le sapin peinait à se libérer d’un encombrement. Une chanson, modulée par une voix de femme à l’accent italien, flotta à sa rencontre.
    Parfois quand j’ai le cœur trop lourd
    Je sors et je vais faire un tour
    Dans les p’tites rues de mon faubourg…
    Il se pencha et reconnut la Napolitaine, Anna Marcelli, tournant la manivelle de son orgue calé contre une fontaine Wallace. Près d’elle était piqué, empoté et raide, l’étudiant gascon – son nom ? ah oui, Mathurin Ferrant – qui à son
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher