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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton
Autoren: Ron Hansen
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faisait la vaisselle et je séchais les plats ; elle rentrait, hilare, les vaches à l’étable sur le dos de celle qui était pourvue de la sonnaille, tandis que j’ouvrais la voie à reculons et causais de moi en manquant de tomber à la renverse dans les bouses des veaux ; ou elle brodait mes initiales sur des mouchoirs blancs pendant que je barattais fougueusement la crème.
     
     
    Mon frère Bob avait à cette même époque une liaison avec une fille au même patronyme, Minnie Johnson. Si elle n’avait aucun lien de parenté avec Julia, nous au contraire, on en avait un, car c’était une de nos cousines  – la fille de la sœur décédée de ma mère Adeline. Minnie était une jolie plante qui venait d’avoir seize ans, aux yeux verts, aux cheveux bruns avec des anglaises et à la peau blanche comme de la mie de pain. Elle avait un jour laissé Bob la déboutonner dans la grange et, d’après lui, à la lueur des interstices entre les bardeaux, elle était aussi belle que les actrices françaises nues en cartes postales. Et alors qu’elle n’avait encore que treize ans, elle avait autorisé Bob à la rejoindre dans sa chambre le soir de Noël et à faire ce qu’il voulait d’elle.
    Elle avait passé le plus clair de son temps en compagnie de mes sœurs Eva, Leona et Nannie Mae durant les années où elle et moi cohabitions à la ferme de mes parents, et après mon départ je ne la vis plus guère, si ce n’est pendue au bras de Bob à l’occasion d’une promenade dans les rues de Coffeyville  – ou devant les baraques foraines, à l’ombre des arbres, lors du pique-nique de la fête nationale, le 4 juillet.
    Mon frère arborait ce jour-là un canotier et un costume blanc froissé, sur la poche duquel il avait épinglé son insigne de marshal. S’il daignait de temps à autre dégommer des bouteilles de lait en bois avec une balle de base-ball ou lancer quelques pièces de monnaie dans des tasses à thé, il avait consacré la majeure partie de l’après-midi à tirer son chapeau à l’attention des dames et à jouer les gandins, sa cousine en adoration cramponnée à lui.
    Julia et moi avions fait une vingtaine de tours à cinq cents sur un manège tiré par des mules, à bord duquel tournait aussi un violoniste chargé de la musique. Nous avions bu de la limonade servie dans des bassines et, la nuit venue, nous avions pris place aux côtés de Bob et Minnie sur une couverture en patchwork pour admirer les feux d’artifice qui sifflaient et crépitaient au-dessus de la rivière, la Caney.
    Se redressant sur les coudes, Bob avait chuchoté à Minnie :
    « Tiens, à quoi il ressemble celui-là ? »
    Sa compagne avait étudié la déflagration rouge en suspens, qui virait au rose.
    « Je ne sais pas, avait-elle avoué.
    — À une araignée, avait-il répliqué. Et celui-là ? »
    Cette fois, elle s’était contentée de détailler son profil tourné vers le ciel et ses yeux fixes.
    « À un éléphant, avait repris mon frère. Regarde, voilà sa trompe. »
    Elle avait froncé les sourcils.
    « Où vas-tu chercher tout ça ? » s’était-elle interrogée.
    Bob avait continué à observer une série de tirs de chandelles romaines.
    « Tu viens de louper une tulipe orange, avait-il signalé à Minnie.
    — J’ai le sentiment de ne pas te comprendre », avait-elle murmuré.
    Cet automne-là, j’ai passé davantage de temps à Pawhuska afin d’être plus près de Julia et Bob s’est mis à tramer plus souvent avec notre frère aîné Grat, aux environs de la frontière sud, où ils suppléaient à leur maigre paye en vendant de l’alcool aux Indiens et en rançonnant les pionniers. Ils arrêtaient des chariots Studebaker tirés par des bœufs et, penchés en avant sur leur selle, interpellaient le conducteur :
    « D’où êtes-vous ? Je vous ai pas déjà vu quelque part ? Vous avez jamais été arrêté pour contrebande ? »
    Des commodes, des bureaux et des canapés en tissu qui semblaient toujours finir au fond d’un ravin avant que leurs propriétaires ne parviennent à l’ouest de la Cimarron pointaient sous la bâche des chariots ; une femme était en général assise à côté de son mari, emmaillotée dans tant d’épaisseurs de couvertures qu’on devinait tout juste son visage.
    Grat planquait quelques bouteilles de whisky artisanal dans les sacs de farine et accusait tel fermier de trafic de boissons alcoolisées, ou Bob et lui exigeaient le
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