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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia
Autoren: Mario Puzo
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évoquant l’amour romanesque, mais aussi celui de Dieu, et les saints l’inspiraient tout particulièrement.
    Le cardinal et Adriana lui accordaient toute leur attention, et Julia Farnèse la considérait comme sa sœur cadette ; aussi Lucrèce devint-elle une enfant heureuse, d’humeur toujours égale. Curieuse, d’un commerce facile, elle n’aimait guère les conflits et veillait à maintenir la paix au sein de la famille.
    Par un beau dimanche, après avoir dit la messe à la basilique Saint-Pierre, le cardinal Borgia invita ses enfants à le rejoindre au Vatican. C’était là une décision un peu risquée car, jusqu’à l’époque du pape Innocent VIII, tous les enfants du haut clergé n’étaient, officiellement, que des nièces et des neveux : reconnaître ouvertement leur existence aurait menacé la position de leurs pères. Bien entendu, chacun savait à quoi s’en tenir mais, tant que la chose restait dissimulée, l’honneur était sauf. Le cardinal Borgia, toutefois, n’aimait guère cette hypocrisie – peut-être parce que, diplomate, il avait dû plus d’une fois embellir ou maquiller la vérité.
    À cette occasion, Adriana fit revêtir leurs plus beaux atours aux enfants : César parut en satin noir, Juan en soie blanche, Geoffroi, désormais âgé de deux ans, en velours bleu orné de dentelles, Lucrèce en dentelle de couleur pêche, avec sur les cheveux un filet orné de joyaux.
    Le cardinal venait d’achever la lecture d’un document officiel que Duarte Brandao, l’un de ses principaux conseillers, lui avait rapporté de Florence. Il y était question d’un frère dominicain nommé Savonarole. On le disait prophète, inspiré par le Saint-Esprit ; les citoyens de la ville accouraient en masse pour l’écouter prêcher et lui témoignaient la plus grande ferveur. C’était un orateur éloquent dont les sermons enflammés dénonçaient souvent la cupidité et la luxure de la papauté.
    — Il faudra garder l’œil sur lui, dit Rodrigo Borgia. Les plus puissantes dynasties ont parfois été renversées par des hommes simples convaincus de détenir la vérité.
    Grand et mince, Brandao avait de longs cheveux noirs, des traits fins, des manières affables et courtoises – bien qu’on chuchotât à Rome que mieux valait ne pas déclencher sa fureur par la traîtrise et l’insolence ; il eût été suicidaire de s’en faire un ennemi.
    Duarte se caressa la moustache d’un doigt en réfléchissant :
    — Il se dit aussi qu’il attaque les Médicis du haut de la chaire, et que les citoyens de Florence l’applaudissent.
    La conversation en resta là, car les enfants du cardinal entraient ; Brandao les accueillit d’un sourire, puis se retira.
    Lucrèce se précipita vers son père, tandis que les garçons restaient immobiles, mains dans le dos.
    — Venez, mes fils ! leur dit Rodrigo. Venez donc embrasser votre père !
    Il déposa Lucrèce sur un tabouret et prit César dans ses bras. C’était un enfant déjà grand, solide et musclé ; de quoi rassurer son père sur l’avenir de la famille.
    — César, dit-il avec tendresse, chaque jour je remercie la Vierge, car tu réjouis mon cœur chaque fois que je te vois.
    Juan vint ensuite. Il y avait en lui une fragilité que trahissait son cœur battant, et qui émouvait toujours son père : il le serra tendrement contre lui.
    Quand le cardinal mangeait seul, il se contentait généralement de pain, de fromage et de quelques fruits. En ce jour, toutefois, il avait ordonné à ses serviteurs de préparer un repas somptueux.
    Les enfants, qu’accompagnaient Adriana et son fils Orso, ainsi que la belle Julia Farnèse, s’assirent à table et se mirent à bavarder et à rire. Rodrigo Borgia se sentit comblé : la vie était belle, entouré de sa famille et de ses amis. Quand l’échanson versa du vin dans son gobelet d’argent, il était si heureux qu’il en offrit à Juan, assis à côté de lui.
    L’enfant but et fit la grimace :
    — Il est trop amer, père. Je ne l’aime pas.
    Rodrigo Borgia se figea, épouvanté. Amer ? c’était impossible… Est-ce que…
    Au même moment, Juan se plaignit qu’il se sentait mal, se plia en deux, victime de violentes douleurs d’estomac et, presque aussitôt, se mit à vomir. Le cardinal le prit dans ses bras puis l’emmena dans une chambre où il le déposa sur un lit couvert de brocart.
    Juan avait déjà perdu conscience quand le médecin du Vatican arriva.
    — Poison !
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