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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia
Autoren: Mario Puzo
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village, mais se heurtèrent à une vive résistance et s’enfuirent. Miguel captura leur chef – que l’on retrouva, le lendemain, pendu à un arbre.
    À compter de ce jour, Miguel Corello fut connu dans toute la principauté de Valence, et personne n’osa plus s’en prendre à sa famille ou à ses amis par crainte des représailles. Il garda de l’événement une balafre donnant l’impression que sa bouche grimaçait en permanence. Les villageois se mirent à l’appeler « Don Michelotto » : c’était désormais un homme que l’on respectait.
    Dans chaque grande famille, se disait le cardinal, des hommes doivent s’avancer pour prêcher la parole de Dieu. Mais d’autres doivent garantir leur sûreté, et veiller à assurer le succès de leur pieuse entreprise. Car ceux qui représentent l’Église ne peuvent se défendre des avanies sans être aidés par une main humaine : ainsi va le monde.
    Que Miguel soit appelé à jouer ce rôle n’avait rien de surprenant. C’était un homme remarquable. On ne pouvait douter de l’amour et de la fidélité qu’il vouait à Dieu et à l’Église, en dépit des calomnies chuchotées par ses ennemis. Et Rodrigo Borgia ne doutait nullement que Don Michelotto servirait toujours Dieu le Père et le Saint-Siège.
    Comme le cardinal, Miguel croyait que ses mains étaient guidées par une sorte d’inspiration divine : aussi ne pouvait-il commettre de péché. Quand il mettait un terme à l’existence d’un ennemi du cardinal et de l’Église, ne renvoyait-il pas son âme devant le Père Céleste, qui seul pouvait la juger ?
    Peu après la guérison de Juan, Rodrigo Borgia appela donc son neveu à Rome. Don Michelotto, désormais âgé de vingt et un ans, fut chargé d’assurer la sécurité de la famille ; il ne quittait jamais les enfants d’un pas.
    Quand le cardinal était à Rome, et que ses devoirs de vice-chancelier ne l’absorbaient pas trop, il venait les voir chaque jour et, en été, dès que l’occasion s’en présentait, il les emmenait à la campagne, loin des ruelles fétides de Rome.

2
    À une journée de Rome, se dissimulait dans les collines des Apennins une vaste étendue de terre sur laquelle se dressait une magnifique forêt de cèdres et de pins entourant un petit lac aux eaux limpides. Rodrigo Borgia l’avait reçue en cadeau de son oncle, le pape Calixte III, et en avait fait une retraite pour lui et sa famille.
    Le Lac d’Argent était un lieu magique, un véritable paradis terrestre. À l’aube, puis au crépuscule, quand le ciel perdait sa couleur, les eaux du lac prenaient une teinte argentée. Découvrant l’endroit, le cardinal en avait été émerveillé. Il espérait bien que lui et ses enfants passeraient là leurs plus heureux moments.
    Ses fils et sa fille nageaient dans le lac pour se rafraîchir, puis couraient dans les opulentes prairies tandis qu’il se promenait dans les bosquets de citronniers, chapelet d’or en main, s’enchantant de la beauté de l’existence – en particulier de la sienne. Certes, il avait travaillé dur dès le temps où il était encore jeune évêque ; mais cela suffit-il pour que la Fortune vous sourie ? Car bien des gens faisaient de même, sans jamais en être récompensés sur cette terre. Le cœur plein de gratitude, Rodrigo Borgia levait les yeux vers le ciel en murmurant une prière pour réclamer la bénédiction divine. Il gardait au cœur la terreur qu’un jour, il ne lui faille payer le prix. Que Dieu lui ait prodigué ses bienfaits ne faisait aucun doute ; mais, pour être digne de mener les âmes vers l’Église, il fallait témoigner d’une sincérité de cœur dont seul Dieu pouvait juger. Le cardinal espérait pouvoir se montrer à la hauteur de ce défi.
    Un soir, après dîner, il offrit à ses enfants un somptueux feu d’artifice. Des étoiles d’argent illuminèrent le ciel en énormes boules incandescentes, en cascades de couleurs vives. César tenait la main de sa sœur et la sentit frémir au bruit des déflagrations.
    Quand Rodrigo vit que Lucrèce tremblait, il tendit Geoffroi, assis sur ses genoux, à César, et prit la fillette dans ses bras :
    — Allons, allons, je te protégerai.
    César, tenant son frère, écouta leur père leur expliquer, avec beaucoup d’éloquence, les constellations d’étoiles. Le son de la voix paternelle fut pour lui un si grand bonheur qu’il sut, dès ce moment, que le Lac d’Argent serait toujours un lieu
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