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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny
Autoren: Monique Demagny
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chauffent au soleil. L’été.
    Les rires accueillirent les conclusions faussement attristées de l’architecte. À la prochaine occasion, fort d’une expérience qu’il exagérait un peu, il reprendrait le même thème devant le même public, avec le même succès. C’était le carreau cassé qu’il fallait boucher avec son mouchoir, la serrure qui manquait à la porte de la chambre, d’autres mésaventures qu’il amplifiait ou parfois inventait au gré de sa fantaisie, et les rires fusaient. On oubliait l’imprécise angoisse que les voyageurs s’efforçaient de refouler. Aucun d’eux n’ignorait que les abords du mont Cenis abritaient les tombes d’imprudents ou de malchanceux. La voiture continuait son train.

    Le voyage se révéla dans les faits largement éprouvant. L’incommodité des auberges était réelle et ils n’y furent régalés que de maigre chère, mais les chemins pentus verglacés, la neige tombant en rafales jusqu’à ne plus distinguer la route, étaient des circonstances grandement plus inquiétantes. Les voitures ne progressaient qu’à petit train. On pouvait tout craindre, s’enliser dans la neige ou dévaler la pente sur une glissade malencontreuse. Il était de première importance dans des conditions aussi contraignantes de ne prendre aucun retard pour gagner la prochaine auberge avant la nuit. À ce compte les embarras et les désagréments plaisamment annoncés par Soufflot n’étaient que d’aimables contretemps. L’amitié réelle dont ils ne se départirent jamais se souda peut-être là, dans la neige et la glace, dans les premières lieues qu’ils franchirent après le col du mont Cenis.

    Le 24 janvier ils parvinrent enfin à Turin et eurent la chance d’aborder la ville avant que le soir tombe. Pour les citadins qu’ils étaient Turin prenait des mines de terre promise. Bien sûr les jours précédents ils avaient traversé des villages, ils avaient fait halte dans des bourgs, des petites villes, où les auberges avaient des cheminées. Le pire était passé, mais on était encore loin de la civilisation ! La vue plongeante sur Turin sous l’éclat un peu métallique du soleil de janvier était un pur bonheur. En descendant les collines qui cernaient la cité ils découvrirent en même temps le cours majestueux du Pô dont les eaux léchaient les murs de la ville et la masse harmonieuse des constructions. Leuradmiration ne fit que croître quand leur voiture s’engagea dans les rues longues et larges, toutes pavées, bordées de colonnades, sublimées par l’élévation de bâtiments superbes. Les places, dont la plus neuve était entourée de portiques, emportèrent aussi leur admiration. Ce n’était que le premier coup d’œil mais il laissa les voyageurs confondus.
    — Pourquoi donc, s’étonna Vandières, ne fait-on cas que de Rome, de Florence, de Venise, en oubliant de glorifier Turin ?
    C’était bien là l’enthousiasme de la jeunesse et l’émerveillement du néophyte. Cochin sourit sans répondre et Le Blanc hocha la tête. Soufflot n’était pas de ceux qui se taisent.
    — J’aime Rome, dit-il, je l’aime avec passion, mais on ne peut contester que Turin soit une fort jolie ville. Je crois que si les voyageurs l’oublient dans leurs récits c’est parce que Turin ne présente généralement pour eux qu’une étape. On vient en Italie pour voir Rome en premier lieu, et d’autres villes infiniment prestigieuses. Celui qui y fait halte en arrivant ne songe qu’à aller plus loin où tant de merveilles l’attendent. Celui qui s’arrête au retour a déjà engrangé dans sa mémoire tant de beautés qu’il pense avoir tout vu et même encore un peu plus. Dans les deux cas il oublie de regarder Turin.
    — Nous prendrons bien garde quant à nous de la regarder, reprit Vandières. N’oubliez pas, messieurs, que dans ce voyage vous êtes mes yeux !
    Ses trois compagnons ne l’oubliaient pas le moins du monde, mais ils venaient d’avoir la preuve queVandières aussi savait regarder. S’il avait déjà quelque culture artistique, il avait aussi avant son départ beaucoup appris de sa sœur sur tous les personnages qu’il allait rencontrer au cours de son voyage. Il lui appartenait de préparer ses compagnons aux rencontres qui se profilaient dans un avenir très proche. Autant commencer à l’instant en présentant monsieur de La Chétardie.
    — Savez-vous, mes amis, que notre hôte a bien failli devenir
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