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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny
Autoren: Monique Demagny
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encore dans le cadre des convenances. Les trois compagnons de Vandières ne pouvaient oublier qu’ils escortaient le futur Directeur des Bâtiments. Mais Vandières n’avait que vingt-deux ans, et dans l’immédiat, ravi d’échapper à Versailles, il avait surtout le désir de se libérer de tous les carcans. Ses compagnons étaient assez fins pour le deviner, chacun put alors redevenir lui-même. Soufflot était brillant, Cochin était plein d’esprit, et Le Blanc avait tant fréquenté les salons que sa conversation était un modèle du genre. Vandières se détendit. Que roule la voiture, le bonheur du voyage était là !

    Une première lettre de Jeanne rejoignit Abel à l’étape de Lyon.
    « Vous avez bien fait, frérot, de ne pas me dire adieu, car malgré l’utilité de ce voyage pour vous et le désir que j’en avais depuis longtemps pour votre bien, j’aurais eu de la peine à vous quitter. »
    Un grand flot de tendresse envahit Abel à cette lecture. Il était libre et Jeanne l’aimait toujours. Le voyage commençait bien, il n’y serait jamais seul. Le lendemain il franchirait de bon cœur la redoutable barrière de montagnes qui le séparait de son but. Bientôt il écrirait à Jeanne. Il lui raconterait son périple par le menu, elle allait voyager avec lui. Il n’y avait plus aucune nostalgie en lui à cet instant.
    D’emblée il avait été en harmonie avec ses compagnons, Jeanne les avait judicieusement choisis. Ces gens avertis des choses de l’art étaient aussi des hommes de bonne compagnie. Ils savaient être drôles et chaleureux, et Vandières n’était pas difficile à vivre pourvu qu’on ne l’attaquât pas sournoisement comme c’était la coutume à Versailles. Leur mission très officielle prit dès les premiers tours de roues le ton d’un voyage d’agrément. Le franchissement des Alpes n’avait pourtant rien d’une partie de plaisir. On était loin de Versailles, tant mieux ! Mais Paris et Lyon s’étaient aussi fâcheusement éloignés et les quatre citadins, qui ne l’avoueraient jamais, pouvaient être tentés d’en regretter le confort. Autour d’eux ce n’était que neige et que glace et la voiture, qui avait tant peiné à monter, semblait souffrir encore plus à la descente. Ce serait un bel épisode àraconter, Vandières n’y manquerait pas dans la première lettre qu’il enverrait en France, à Jeanne bien entendu. On pouvait supposer que Le Blanc en ferait autant, il était censé tenir un journal très précis du voyage. Dans l’immédiat l’urgence était seulement s’accommoder d’une température qu’ils n’avaient jamais affrontée et de l’inconfort d’un véhicule qui semblait présenter toutes les garanties de solidité, de maniabilité, et d’agrément, mais c’était à Paris. Aujourd’hui la même voiture cahotait misérablement dans le bruit inquiétant de ses essieux qui souffraient.

    Soufflot qui avait l’art de plaisanter le plus sérieusement du monde et qui avait sur ses compagnons l’avantage d’avoir déjà fait le voyage d’Italie en commentait les inconvénients avec la meilleure grâce.
    — Vous conviendrez, messieurs, dit-il, que c’est une erreur populaire que de croire qu’il ne fait jamais froid en Italie.
    La remarque fit sourire les voyageurs. Il n’était que de jeter un regard au-dehors où la neige recouvrait tout pour s’en rendre compte. Manteaux et couvertures ne réussissaient guère à entretenir une illusion de confort à l’intérieur de la voiture.
    — C’est que nous sommes en janvier, risqua Cochin.
    — Ne vous faites aucune illusion. Je vous assure que le Mont-Cenis dont nous parcourons à grand-peine les pentes est encore gelé en mars.
    — En mars, nous serons loin de ces montagnes.
    — Sans doute, mais pour notre première étape, à Turin, le froid sera encore là, vous pouvez y compter.
    — Nous serons commodément logés chez le marquis de la Chétardie !
    — Je n’en doute pas. Il faudra cependant y arriver, ce qui ne saurait se faire en un jour.
    — Il y a bien des auberges en ces lieux…
    — Il y en a. Mais vous pourrez regarder les maisons de tous côtés vous ne trouverez pas souvent de cheminée.
    — Pas de cheminée ?
    — Les architectes les ont généralement oubliées.
    — Il était temps que vous passiez par ici, Soufflot !
    — Comment se chauffent donc les Italiens qui n’ont pas de cheminée ? hasarda Le Blanc.
    — Ils se
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