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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny
Autoren: Monique Demagny
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chaperonner un si petit poisson. Ceux qui ont quelques renommées se garderont bien de s’attacher à sa suite.
    — L’abbé Le Blanc en sera, dit-on.
    — Le fils d’un geôlier… Belle escorte !
    — On prétend qu’il essaie d’entrer à l’Académie française.
    — Oui, mais c’est malgré l’Académie !
    — La suite du petit frère ne sera peut-être pas nombreuse.
    — Cela coûtera moins cher.
    — Peu ou prou il faudra bien trouver l’argent ! Le roi…
    — On murmure que l’argent est trouvé, et le roi n’a rien à y voir.
    Les regards se tournèrent ébahis vers l’informateur qui sourit finement.
    — Certain financier…
    — Pâris ?
    — Pâris de Montmartel, en effet.
    — Les financiers ne font rien sans espoir de retour.
    — Où est ici l’intérêt de Montmartel ?
    — Il y a ce projet de construction d’une école militaire, les Pâris y seraient intéressés, Pâris-Duverney en premier lieu mais les deux font la paire.
    — Gabriel est chargé du projet.
    — Tout Premier Architecte qu’il soit il lui faudra compter avec le nouveau Directeur des Bâtiments. Et ce n’est pas d’hier que l’on sait que les Pâris et les Poisson…
    Tout le monde savait, ou croyait savoir, que Montmartel avait été l’amant de la future madame Poisson dans sa jeunesse, et qu’il avait enjoint à son commis de l’épouser. Tout le monde y avait gagné. La belle s’était trouvée honorablement établie, la carrière de Poisson était toute tracée, et Montmartel avait pu vivre ses amours en toute tranquillité. On sourit. Le sourire pourtant était amer. On se serait bien débarrassé des Poisson, frère et sœur, mais ils devenaient de plus en plus difficiles à contourner.

Jacques Germain Soufflot était grand, un peu moins peut-être que Vandières, mais plus mince, plus élancé. Son visage était plaisant. De grands yeux pétillants d’intelligence, un sourire un peu retenu, lui donnaient un charme indéniable. Au contraire de Vandières dont la grande jeunesse ne maîtrisait pas toujours l’impétuosité, il savait dompter ses impulsions, canaliser ses sentiments. Il ne s’en montrait pas moins tranchant dans ses jugements mais toujours sur le mode d’une conversation civile. Dans le domaine de l’architecture on ne lui en conterait pas. Les jaloux prétendaient que tout son esprit tenait dans son compas ! Le compas était donc habile à en juger par les réalisations qu’il avait menées à Lyon. Il n’était pas prétentieux mais avait une juste appréciation de son talent. À trente ans il savait déjà prendre du recul, mais qu’on lui parlât de projets et il en devenait lyrique. Vandières, si bouillant malgré tous ses efforts pour se dominer, retrouvait chez lui le souffle des rêves les plus fous. Ces deux-là allaient s’entendre. N’allaient-ils pas changer le monde ? Ou pour le moins refaire Paris ? Et donner une belle estocade à l’Académie Rococo ! En une heure de conversation, l’un poussant le rêve de l’autre, le relayant, le polissant, l’habillant de cent idées folles, ils se sentaient déjà proches. Alors Abel posa la question.
    — Il me manque un artiste. Un peintre, un sculpteur… Pouvez-vous m’aider dans cette recherche ?
    Soufflot prit le temps de la réflexion. Vandières l’observait. La mesure du personnage était prise, celui-là ne se laissait jamais dépasser par son rêve. C’était un imaginatif qui réfléchissait, un fou doté de raison.
    — Ah, dit-il enfin en mesurant bien ses paroles, je crois qu’il serait intéressant d’associer Cochin à votre projet.

    Cochin ? Abel le connaissait bien. Comment n’avait-il pas songé à lui ? Sa pensée sans doute était obnubilée par l’idée de choisir un peintre ou un sculpteur. Cochin était un dessinateur et un graveur. Devait-on considérer qu’il s’agissait là d’un art mineur ? Rien ne pouvait être mineur concernant Cochin, il avait un talent fou.

    — Cochin ? s’interrogea Abel. Cochin…
    — Ah ! j’aime ses dessins ! Quelle légèreté, quelle délicatesse ! Quelle exactitude aussi. Vous savez bien sûr qu’il a fait les dessins du Bal paré dans la petite écurie et du Bal masqué dans la galerie des glaces, que son père a ensuite gravés. Tous les détails y sont, et quelle grâce !
    L’enthousiasme de Soufflot était palpable. Vandières sourit, il n’avait pas oublié le Bal des Ifs ! Tout le monde à la cour
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