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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny
Autoren: Monique Demagny
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étonné. Petit frère ? Le roi sans doute s’amusait en lui-même, le mot serait répété. Les plus titrés du royaume ne se pâmaient-ils pas d’aise quand le roi les appelait seulement « mon cousin » ?

    Après avoir tout mis en place les valets s’étaient éclipsés. Le repas allait son train dans la bonne humeur et la simplicité. Le roi ne laissait pas fléchir les conversations, il y participait avec entrain. Il riait, il était heureux. Le temps s’écoulait doucement, on vivait un moment choisi. Après le repas, le roi se leva pour aller préparer le café, il se réservait toujours ce soin. Chacun viendrait se servir à son gré en ordre dispersé, puis on jouerait un peu avant que le roi se tournant vers Jeanne dise tout bonnement :
    — Allons nous coucher.
    Le roi pour un temps avait oublié Versailles. Abel aussi.

Les jours se suivaient et se ressemblaient. Abel ne pouvait s’y tromper, Jeanne une nouvelle fois avait endossé sa livrée de mentor. Campée plus qu’assise dans son cabriolet, une main fermement posée sur la pile de papiers qui jonchait son secrétaire, elle s’apprêtait à débattre avec lui d’affaires importantes et qui le concernaient. Il réprima un soupir. Mais il ne put retenir une bouffée d’admiration. Comment pouvait-elle avoir à la fois tant de beauté et de sérieux ? Être si bienveillante et si distante ? Jeanne avait toujours été déconcertante. Elle portait une somptueuse robe à la française, admirablement coupée dans un tissu de soie dont le coloris clair flattait son teint. Le corsage ajusté soulignait la finesse de sa taille et le bas de la jupe s’ouvrait sur son jupon de dessous laissant apparaître un joli pied chaussé simplement d’une mule. Abel sourit. Tenue d’apparat ? Comment en aurait-il été autrement ? En ce pays-ci on était toujours en représentation. Mais elle était coiffée sans manières, ne portait pas de bijou, et était à peine chaussée. On était dans l’intimité. Elle recevait son frère et ce serait, il en était certain, pour jouer encore les maîtresses d’école. Le sujet était facile à deviner, elle allait une nouvelle fois revenir sur le voyage d’Italie. Encore ! Elle était bien pressée de le voir s’éloigner. Iln’y avait point là de péril pourtant et il lui avait donné l’assurance qu’il adhérait totalement au projet.
    Il ébaucha un sourire, pour la rassurer peut-être. Il n’était plus un garnement qu’il faut retenir sur la pente de quelque bêtise. Il aimait Jeanne et pour rien au monde il n’aurait voulu la contrarier, et moins encore la décevoir, mais pourquoi diable était-elle si… tatillonne ? Non ! Le qualificatif n’était pas aimable, elle ne le méritait pas. Alors ? Perfectionniste ? Peut-être, elle était en fait toujours soucieuse du moindre détail. Elle le savait mieux que lui, en ce pays-ci toute entreprise pouvait échouer si un jour on baissait sa garde. Elle passait sa vie à se défendre, ou plutôt à prévenir toute attaque, sachant bien que quand on en était réduit à la défense il était déjà trop tard. Il lui tenait à cœur de lui apprendre la même sagesse.

    — Abel, il nous faut parler de ce voyage.
    — Vous savez bien que je m’en réjouis.
    Elle fronça le sourcil, pinça un peu les lèvres et Abel sentit bien que la leçon de morale allait suivre.
    — Allons, petit frère, votre contentement n’est pas l’essentiel !
    — J’en suis conscient, et vous savez que j’ai à cœur de satisfaire le roi pour toutes les bontés qu’il a pour moi.
    Voilà. Chacun avait dit sa réplique. N’avait-il pas parfaitement bien répondu ? Mais où voulait-elle en venir ?
    — Il faut aussi honorer la confiance de notre oncle Tournehem qui a demandé pour vous la survivance desa charge. Ce voyage va vous préparer à assurer les responsabilités qui seront bientôt les vôtres.
    — Bientôt, comme vous y allez ! Je souhaite à notre oncle de vivre encore longtemps.
    — Moi aussi, Abel, mais notre vie est dans les mains de Dieu.
    Il y eut un silence. Madame Poisson les avait quittés à peine sa fille était-elle à Versailles. Abel le savait : la mort venait vite. Jeanne resta pensive et son frère ne voulut pas la troubler, elle était si rapide à s’inquiéter quand il s’agissait de lui. Il en était toujours ému. Elle était de si peu son aînée et se conduisait pourtant toujours comme si elle était tenue pour
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