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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions
Autoren: Mireille Calmel
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Jaufré me prenait dans ses bras, me bélinait la nuit durant avant de me chasser d’un dernier baiser. Comme s’il craignait qu’auprès d’elle je puisse l’oublier. Comme s’il voulait me communiquer son empreinte pour les jours sans lui. Car, bien évidemment, lui et Geoffroy étaient restés. Seule Eloïn, languie de Richard, m’avait accompagnée.
    Au castel, l’humeur était morose. Patrice de Salisbury avait pu témoigner de l’issue de la bataille. Tous étaient tombés à part lui, demeuré auprès de son père mort sur le coup. Abattu autant par le chagrin que par le vide de sang échappé de sa blessure, sérieuse, à l’épaule. Lorsque le vertige s’était calmé, lui ramenant assez de vaillance pour s’opposer à l’ennemi, il s’était avancé en lisière du bois. Les alentours s’étaient transformés en charnier. Les Lusignan, sans pitié, passaient d’un moribond à l’autre pour les achever. Un seul se battait encore. Son cousin. Bien trop loin de lui pour qu’il puisse seulement lui venir en aide sans se faire cent fois découdre. La mort dans l’âme, il s’était rangé au précepte du roi et de son père : « Un homme mort ne sert plus à rien. » Il avait reculé prudemment à couvert, convaincu de l’évidence que, si ces mécréants, à soixante contre un, refusaient d’en finir avec Guillaume le Maréchal, c’était qu’ils le voulaient prisonnier. Pour conforter son sentiment, l’un de ces bougres avait cisaillé les jarrets du palefroi de son cousin avant d’achever la bête d’une collée en plein poitrail. Refusant encore de se rendre, Guillaume s’était adossé à une haie, non sans avoir tailladé une main à la volée.
    — Vienne à moi qui s’y croit de force, les avait-il nargués, au point qu’il s’était, lui, Patrice de Salisbury, senti couard à demeurer dans l’ombre. Il avait dû lutter contre lui-même pour ne pas s’élancer. De fait, il serait arrivé trop tard, s’il n’avait péri en chemin. Sautant la haie pour prendre Guillaume de revers, un chevalier l’avait vaincu d’un traître coup d’épieu à la cuisse. Guillaume avait fléchi. Une fraction de seconde. Mais ce fut assez pour qu’une épée se pointe sous son oreille et l’oblige à lâcher le fer. On lui avait ligoté les poings sur les reins, puis, le laissant clopiner misérablement, on l’avait conduit jusqu’au sommet de la colline. Patrice l’y avait vu disparaître avec la troupe. Lors, il avait repris le chemin du castel.
    Dès le lendemain, Aliénor avait dépêché des messagers pour négocier la libération de l’ami de ses fils. Richard aurait voulu, en personne, les mener. Elle s’y était refusée. Le jugeant trop jeune encore. Craignant surtout qu’il ne soit capturé à son tour. Richard en avait convenu, à regret. Pour autant, il fallut l’arrivée d’Eloïn dans mon sillage pour qu’il consente, comme sa mère avec moi, à laisser son impuissance se délayer.
    Une semaine plus tard parvenait à la cour d’Aliénor le nouveau gouverneur du Poitou, dépêché par Henri pour remplacer Patrick de Salisbury. Sans avoir la prestance de ce dernier, dont il était un des meilleurs amis, Guillaume de Tancarville s’était toujours montré courtois vis-à-vis d’Aliénor, appréciant à leur juste mesure ses qualités et ses atouts. Il avait en outre élevé Guillaume le Maréchal, le formant aux métiers des armes. Bien qu’elle soit bouleversée par la perte de son amant, Aliénor dut reconnaître à Henri la qualité du choix de son nouvel espion et lui confia avec sincérité le soin de mettre son vassal à la raison. La rançon ne tarda pas à être fixée. Bien qu’exorbitante aux yeux du seigneur de Tancarville Aliénor la régla sans sourciller. La bravoure dont avait fait preuve Guillaume le Maréchal méritait récompense autant que compassion. De fait, il revint en bien piteux état et ne dut qu’aux médecines d’Eloïn de ne pas perdre sa jambe. Le récit de sa captivité fut vite sur toutes les lèvres, nous remplissant tous de fureur. Si on l’avait traîné de place en place, le déshonorant par des montures indignes, telles une charrette, un âne ou un cheval de bât, le pire avait été de le laisser lui-même s’acquitter de sa blessure. Son habit déchiré attestait encore de ses dires. Il avait fallu la pitié d’une damoiselle en un castel pour qu’il puisse enfin récupérer de l’étoupe et se soigner.
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