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Le Prince

Le Prince

Titel: Le Prince
Autoren: Nicolas Machiavel
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causes générales ; mais,
quant à la seconde, il est bon de s'y arrêter un peu plus, et
d'examiner les moyens que Louis XII pouvait employer, et dont tout
autre prince pourrait se servir en pareille circonstance, pour se
maintenir un peu mieux dans ses nouvelles conquêtes que ne fit le
roi de France.
    Je dis donc que les États conquis pour être
réunis à ceux qui appartiennent depuis longtemps au conquérant,
sont ou ne sont pas dans la même contrée que ces derniers, et
qu'ils ont ou n'ont pas la même langue.
    Dans le premier cas, il est facile de les
conserver, surtout lorsqu'ils ne sont point accoutumés à vivre
libres : pour les posséder en sûreté, il suffit d'avoir éteint
la race du prince qui était le maître ; et si, dans tout le
reste, on leur laisse leur ancienne manière d'être, comme les mœurs
y sont les mêmes, les sujets vivent bientôt tranquillement. C'est
ainsi que la Bretagne, la Bourgogne, la Gascogne et la Normandie,
sont restées unies à la France depuis tant d'années ; et quand
même il y aurait quelques différences dans le langage, comme les
habitudes et les mœurs se ressemblent, ces États réunis pourront
aisément s'accorder. Il faut seulement que celui qui s'en rend
possesseur soit attentif à deux choses, s'il veut les
conserver : l'une est, comme je viens de le dire, d'éteindre
la race de l'ancien prince ; l'autre, de n'altérer ni les lois
ni le mode des impositions : de cette manière, l'ancienne
principauté et la nouvelle ne seront, en bien peu de temps, qu'un
seul corps.
    Mais, dans le second cas, c'est-à-dire quand
les États acquis sont dans une autre contrée que celui auquel on
les réunit, quand ils n'ont ni la même langue, ni les mêmes mœurs,
ni les mêmes institutions, alors les difficultés sont excessives,
et il faut un grand bonheur et une grande habileté pour les
conserver. Un des moyens les meilleurs et les plus efficaces serait
que le vainqueur vint y fixer sa demeure personnelle : rien
n'en rendrait la possession plus sûre et plus durable. C'est aussi
le parti qu'a pris le Turc à l'égard de la Grèce, que certainement,
malgré toutes ses autres mesures, il n'aurait jamais pu conserver
s'il ne s'était déterminé à venir l'habiter.
    Quand il habite le pays, le nouveau prince
voit les désordres à leur naissance, et peut les réprimer
sur-le-champ. S'il en est éloigné, il ne les connaît que lorsqu'ils
sont déjà grands, et qu'il ne lui est plus possible d'y
remédier.
    D'ailleurs, sa présence empêche ses officiers
de dévorer la province ; et, en tout cas, c'est une
satisfaction pour les habitants d'avoir pour ainsi dire sous la
main leur recours au prince lui-même. Ils ont aussi plus de
raisons, soit de l'aimer, s'ils veulent être de bons et fidèles
sujets, soit de le craindre, s'ils veulent être mauvais. Enfin,
l'étranger qui voudrait assaillir cet État s'y hasarde bien moins
aisément ; d'autant que le prince y résidant, il est très
difficile de le lui enlever.
    Le meilleur moyen qui se présente ensuite est
d'établir des colonies dans un ou deux endroits qui soient comme
les clefs du pays : sans cela, on est obligé d'y entretenir un
grand nombre de gens d'armes et d'infanterie. L'établissement des
colonies est peu dispendieux pour le prince ; il peut, sans
frais ou du moins presque sans dépense, les envoyer et les
entretenir ; il ne blesse que ceux auxquels il enlève leurs
champs et leurs maisons pour les donner aux nouveaux habitants. Or
les hommes ainsi offensés n'étant qu'une très faible partie de la
population, et demeurant dispersés et pauvres, ne peuvent jamais
devenir nuisibles ; tandis que tous ceux que sa rigueur n'a
pas atteints demeurent tranquilles par cette seule raison ;
ils n'osent d'ailleurs se mal conduire, dans la crainte qu'il ne
leur arrive aussi d'être dépouillés. En un mot, ces colonies, si
peu coûteuses, sont plus fidèles et moins à charge aux
sujets ; et, comme je l'ai dit précédemment, ceux qui en
souffrent étant pauvres et dispersés, sont incapables de nuire. Sur
quoi il faut remarquer que les hommes doivent être ou caressés ou
écrasés : ils se vengent des injures légères ; ils ne le
peuvent quand elles sont très grandes ; d'où il suit que,
quand il s'agit d'offenser un homme, il faut le faire de telle
manière qu'on ne puisse redouter sa vengeance.
    Mais si, au lieu d'envoyer des colonies, on se
détermine à entretenir des troupes, la dépense qui en
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