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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà
Autoren: Robert Merle
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François,
et d’un air entendu lui souris. Mais François ne me rendit pas mon sourire,
gardant tout à plein imperscrutable son long et correct visage, voulant par-là
me faire entendre – chattemite qu’il était toujours ! – qu’il
jetait, lui, le manteau de Noé sur les faiblesses du père, lequel ne s’enivrait
point de vin, comme Noé, mais de femmes, la bonne Franchou ne lui suffisant
pas, si j’en croyais l’oncle Sauveterre.
    Je dis « l’oncle »
Sauveterre, et peut-être le lecteur se ramentoit que Siorac et Sauveterre
n’étaient point nés frères, mais qu’ils étaient devenus amis si intimes durant leurs
années à la légion de Normandie qu’ils s’étaient en Rouen
« affrérés » devant notaire (comme l’us en était alors), se donnant
l’un à l’autre leurs biens. Tant est que s’il n’y avait qu’un baron de Mespech,
la châtellenie appartenait à l’un comme à l’autre, Sauveterre, encore qu’il ne
fût qu’écuyer, ayant même autorité que le baron pour trancher du ménage de la
seigneurie, mais non, la merci Dieu, un égal pouvoir pour décider du sort de
ses « neveux ».
    À peine fut-on rentré à Mespech ce
soir-là du Breuil, où la frérèche avait examiné un mouton dont Cabusse pensait
qu’il pâtissait d’une maladie au pied appelée céans « le crapaud »
(auquel cas il faudrait isoler et curer la bête, l’intempérie pouvant se mettre
au troupeau entier avec un grand dommage pour lui) que la belle Zara, toquant à
l’huis de ma chambre, me vint dire que sa maîtresse requérait ma présence en la
sienne. Elle me dit cela en cent mots quand un seul eût suffi, accompagnant son
discours de mines assassines et de je ne sais combien d’œillades, de souris,
d’infantins zézaiements, de ploiements de cou, d’ondulements de taille,
lesquels, pour appas d’archicoquette que je les connusse, néanmoins ne
laissèrent pas de faire sur moi quelque effet, d’autant que je savais que Zara
ne pouvait qu’elle ne les contrefît, cette seconde nature ayant sur elle tant
de puissance que la belle avait quasi rejeté sa première natureté comme un
serpent, sa vieille peau.
    Elle était comme à l’accoutumée,
vêtue comme une personne de qualité, portant basquine et vertugade de soie,
diamant à la mignarde oreille, rangée de perles autour du long et suave col, et
rubis à ses doigts fuselés, Dame Gertrude ne lui pouvant rien refuser, étant
d’elle tant raffolée que mon beau Quéribus prétendait en riant que maîtresse et
chambrière jouaient à la fricarelle. À quoi me voyant sourciller, le baron,
riant comme fol, avait ajouté :
    — Eh quoi ! Ne vaut-il pas
mieux ces petits jeux qui, entre garces, ne prêtent pas à conséquence, qu’un
galant qui la ferait adultère quand votre frère l’aura mariée ?
    — Baron, dis-je, ramentez-vous,
je vous prie, que vous m’avez gagé que vous ne serez pas, ou plus, ce
galant-là, le porche de l’église franchi.
    — Tant promis, tant tenu !
dit Quéribus en me jetant un bras dessus l’épaule et à soi me serrant. En
outre, n’ai-je pas à craindre votre terrible épée, maintenant que Giacomi vous
a mis en main la botte de Jarnac ?
    — Vous vous gaussez !
dis-je. Combien que j’aie fait, certes, quelques progrès…
    — Combien que j’aie fait, assurément, quelques progrès, reprit Quéribus en me pinçant le gras de
l’épaule, me voulant corriger de ce «  certes  » qui trahissait
le huguenot, comme déjà m’en avait averti la baronne des Tourelles.
    — … Si ne suis-je,
conclus-je, qu’un escrimailleur, à vous-même comparé.
    Ce qui, pour n’être plus tout à
plein vrai, fit rougir mon Quéribus de plaisir, tant il aimait être loué.
    La belle Zara, elle, tandis qu’elle
me précédait dans le couloir de Mespech jusqu’à la chambre de sa maîtresse,
n’avait point tant besoin des mots que du muet hommage de l’œil sur son aimable
dos, tandis qu’elle avançait devant moi, le torse droit sur des hanches qui, à
chaque pas, paraissaient rouler comme navire par l’effet de la houle. Et cet
hommage tournant tout soudain sa jolie tête, elle l’aguignait du coin de ses
pupilles dorées qu’ombrait une longue frange au travers de laquelle elle
m’envisageait comme pouliche de dessous sa crinière.
    Gertrude du Luc était assise dans un
grand fauteuil à tapisserie devant un feu de sapin, cramant haut, clair et
pétillant, le seul feu de la maison
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