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Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres
Autoren: Paul C. Doherty
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pas plus riches que celle de son père avec leurs murs de torchis et le minuscule potager où poussaient oignons, choux, ail et échalotes. Son cheval broncha tout à coup et il lança un chapelet de jurons. Ranulf admira, sans piper mot, sa capacité à déverser les pires obscénités qu’il eût jamais entendues ; les chemins étaient défoncés par d’énormes ornières comblées par de grossiers fagots ou par des monceaux de terre qu’emporterait la première pluie d’orage. Ils s’arrêtèrent à une auberge pour avaler un plat d’anguilles épicées et quelques rasades de godale qui leur monta à la tête. L’endroit grouillait de monde ; paysans, valets de fauconnerie, veneurs, garçons d’écurie, boulangers, brasseurs, cuisiniers et marmitons entraient pour avaler une chope de bière, côtoyant bergers et porchers, taquinant et lutinant lavandières et filles de ferme qui venaient échanger des ragots ou aguicher leur amoureux.
    Assis dans un coin, Corbett écouta Ranulf évoquer leurs affaires à Londres avant de lui exposer posément ce qui les attendait au prieuré de Godstowe. Ranulf blêmit. Gaveston et le prince Edouard étaient deux fois plus dangereux que le roi, surtout Gaveston dont tout un chacun avait pu sentir la présence à la Cour et dans la capitale, et qui s’était avéré être un seigneur influent et vindicatif. Pour la première fois depuis la messe de Noël, Ranulf ferma les yeux et pria ardemment pour que son maître n’échoue ni ne tombe en disgrâce. Corbett était pris en tenailles entre le monarque et son héritier querelleur qui affichaient leur hostilité réciproque. S’il décevait le roi, Corbett sentirait sûrement le poids de son mécontentement. Quant au prince, c’était une vraie girouette. Son tempérament versatile le faisait se montrer un jour sous les traits d’un compagnon jovial et simple, et le lendemain sous ceux d’un seigneur très à cheval sur les prérogatives de son rang. Gaveston était pire encore. Il était tout simplement dangereux. Ranulf aimait beaucoup son maître, même s’il lui dérobait, à l’occasion, un sou ou deux ou s’il se moquait in petto de ses façons pédantes, mais si Corbett tombait, il l’entraînerait dans sa chute. Le jeune homme sentit la panique lui tordre le ventre et décida de la noyer avec une autre cruche de godale qu’il alla commander à la souillon au tablier graisseux.
    — Tout le monde est au courant du sort d’Aliénor Belmont ! s’exclama-t-il. On parlait de sa mort au Guildhall et à St Paul’s Walk.
    Il interrogea son maître du regard. Corbett se redressa et cessa, à contrecoeur, d’observer le manège du vendeur de reliques qui était entré dans la taverne.
    — Qui accuse-t-on ?
    — Le prince ou le roi.
    — Que raconte-t-on d’autre, Ranulf ?
    — On dit que le prince aime Gaveston plus qu’aucun homme n’aime sa femme. Les vieux prédisent le retour de la guerre civile, et les armuriers et fabricants de flèches font des affaires en or.
    Corbett se renfonça sur son banc. Cela concordait avec les renseignements de ses espions. Dans tout le pays, les seigneurs s’activaient à renforcer leurs châteaux et à emmagasiner nourriture et armes dans l’éventualité d’un siège. La guerre éclaterait-elle ?
    La réponse à cette question pourrait se trouver à Godstowe.
    Corbett regarda au-dehors : la nuit n’allait pas tarder à tomber. Tout en restant sur le qui-vive, ils reprirent leur route tandis que le soleil se couchait. Ils suivaient l’ancienne voie romaine qui s’enfonçait dans l’Oxfordshire et qu’avaient foulée, au cours de la journée, nombre de marchands, d’étudiants en toges élimées, d’escrocs et de frères prêcheurs itinérants, chargés de leur autel portatif. Mais à présent, on était entre chien et loup, et, malgré la douceur estivale, Corbett était bien conscient des périls qu’ils encouraient. Les bois et les landes désolées étaient le refuge d’individus sans foi ni loi, vêtus de loques délavées par les intempéries, d’êtres couverts de vermine et défigurés par toutes sortes de maladies et de plaies. Ces brigands hantaient la route empruntée par Corbett et Ranulf. Fiers de leurs forfaits, ils annonçaient à leurs victimes meurtries et blessées qu’elles venaient d’être dévalisées et rouées de coups par « Le Chauve », « Le Sanglant », « Robin le Mauvais » ou tout autre surnom dont ils aimaient
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