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Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres
Autoren: Paul C. Doherty
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son dégoût et lança une piécette au misérable avant de rejoindre à pas feutrés le seuil de son logement. Comme convenu, la porte n’était pas fermée à clef. Il souleva le loquet, entra discrètement et regarda autour de lui. Personne dans le couloir dallé, plongé dans la pénombre ! Seule une chandelle tremblotant dans un bougeoir de cuivre fixé assez haut dans le mur l’éclaira faiblement lorsqu’il gravit l’escalier de bois branlant. Il était heureux : quelle chance d’avoir trouvé Céleste ! Cette jeune ribaude aux formes rebondies et aux joues roses, tout juste sortie de sa campagne normande, avait admirablement joué de ses charmes pour ferrer et attraper l’un des clercs de la Chancellerie royale du Louvre. La donzelle s’était avérée fort adroite. Tantôt protestant de son innocence, tantôt promettant toutes sortes de délices, elle avait tiré les vers du nez à ce benêt de Français.
    Arrivé sur le palier, Eudo poussa doucement la porte de la chambre. La pièce était plongée dans l’obscurité. Il se figea, tous ses sens en alerte. Il y avait quelque chose de bizarre. Pourquoi Céleste n’avait-elle pas allumé la bougie ? Tel un chien à l’arrêt, il s’immobilisa, humant les ténèbres et cherchant à percer la pénombre. Il respira le lourd parfum de Céleste et aperçut la forme de la jeune prostituée, endormie sur sa paillasse, sous la petite fenêtre entrouverte. Il se détendit et grimaça. Elle devait être épuisée après une nuit mouvementée ! Peut-être pourrait-il goûter à certains de ces plaisirs qu’avait savourés le jeune clerc ?
    — Céleste ? murmura-t-il. Céleste, c’est moi, Eudo !
    Seul le silence accueillit ses paroles.
    — Quelque chose ne va pas ? souffla-t-il.
    Inquiet, il resta longtemps immobile, l’oreille aux aguets. La maison craquait et gémissait : c’était une vieille bâtisse. Et puis le mendiant l’aurait certainement averti de la moindre intrusion. Il s’approcha du lit.
    — Céleste ! appela-t-il d’une voix sifflante en lui donnant une bourrade.
    Le corps roula mollement sur le côté. Eudo ouvrit la bouche en un hurlement muet. On lui avait tranché la gorge d’une oreille à l’autre. Du sang visqueux imbibait le haut de son surcot et des taches sombres s’étaient coagulées sur la couverture. Eudo sentit quelque chose de tiède et de gluant sur ses doigts. Il se força à respirer profondément et recula en dégrafant sa cape et en dégainant son long poignard. Il fit un autre pas en arrière, et encore un autre avant de se retourner et de bondir vers la porte. Une silhouette confuse lui barra le chemin, mais il se laissa tomber sur un genou en fouettant l’air de son arme et éventra son assaillant. Il se releva vivement et le repoussa, puis dévala l’escalier quatre à quatre. Un second homme l’attendait, encapuchonné et menaçant. Eudo ne ralentit pas mais sauta les dernières marches et le projeta brutalement contre le mur. Il se rua hors du couloir et se retrouva dans la ruelle obscure et fétide. Il foudroya le mendiant du regard.
    — Scélérat ! lui cria-t-il. Damné menteur !
    Le lépreux se blottit dans son coin. Eudo tâtonna sur le sol, ramassa un pavé et le lança à la tête du misérable. Celui-ci, le crâne fracassé, s’écroula en une masse informe et gémissante. Eudo tourna alors dans la ruelle et courut vers le carrefour. La gorge pleine de sanglots et de râles, le coeur battant à tout rompre, il aspirait de grandes goulées d’air. Il savait que tout était perdu. Il avait eu de la chance jusque-là, mais à présent, où pouvait-il aller ?
    Il vit soudain des hommes d’armes apparaître au fond de la place. Il s’arrêta et les injuria copieusement. Il ne voulait pas être pris vivant. Il les abreuvait encore d’insultes quand un carreau d’arbalète l’atteignit en pleine cuisse et l’envoya rouler sur les pavés, la bouche débordante de jurons et de gémissements. Il saisit le carreau profondément fiché dans sa chair et poussa un cri de douleur. Plus question de récompense, maintenant, il ne retournerait jamais à Bordeaux ! Plus de bons verres de claret ! Il entendit le martèlement des bottes sur les pavés et sentit un pied chaussé de mailles écraser son épaule et le renverser sur le dos. Le capitaine des gardes enleva son casque et s’accroupit près de lui.
    — Eh bien, eh bien, Monsieur , dit-il entre ses dents. Fini pour vous le
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