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Le Pré-aux-Clercs

Titel: Le Pré-aux-Clercs
Autoren: Michel Zévaco
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laquelle ils reconnaissaient leurs torts indiquait qu’ils pouvaient être vifs, frivoles, étourdis, mais qu’en somme, le fond était moins mauvais qu’on eût pu le penser.
    Ferrière, ramassé sur lui-même, la pointe de l’épée appuyée sur le bout de la botte, l’œil étincelant rivé sur ses deux adversaires, attendait qu’ils se décidassent.
    Bonneval et d’Abancourt hésitaient. Ils étaient deux contre un, pouvaient-ils céder sans se déshonorer ? Cette question se lisait si clairement sur leurs visages indécis que Saverny y répondit comme si elle avait été formulée à haute voix.
    « C’est précisément parce que vous êtes deux contre un qu’on ne pourra pas dire que c’est la peur qui vous a fait reculer.
    – Rengaine, Bonneval ; rengaine, d’Abancourt ! Objurgua Roquebron à son tour. Sang Dieu, nous avons assez fait les fous comme cela ! »
    Ils eurent le bon esprit de se rendre à ces raisons. Ils joignirent les talons, comme à la parade, saluèrent galamment d’un geste large de l’épée et rengainèrent comme on le leur conseillait. Ils firent mieux : ils s’excusèrent, l’air un peu honteux :
    « Que veux-tu, vicomte, nous étions tellement ivres !…
    – Du diable si nous savions ce que nous disions et ce que nous faisions !… »
    Il était impossible de souhaiter victoire plus complète, et sur tous les terrains. Pourtant, Ferrière ne triompha pas. Au contraire, il reprit instantanément cet air réservé, un peu timide, qui avait chez lui un charme tout particulier. Il rendit le salut avec la même grâce galante qu’il lui était adressé et avec une insouciante générosité :
    « Pardieu ! fit-il, je savais bien qu’une fois dégrisés vous regretteriez ce que vous avez fait. N’en parlons plus. »
    C’était la réconciliation. Une franche et loyale poignée de main vint la confirmer.
    Ils se tournèrent alors vers Saint-Solin qui, étendu sur le pré, ne donnait plus signe de vie.

V – FIORINDA
    À ce moment, Fiorinda parut au haut du petit sentier qui conduisait à la porte du moulin. Du haut de cet observatoire, blottie dans l’herbe épaisse et drue, elle avait suivi d’un œil angoissé toutes les péripéties de l’inégale lutte dont elle était la cause involontaire. Et maintenant que ses vœux ardents étaient exaucés par la victoire de ce jeune inconnu qui avait pris sa défense d’une manière si chevaleresque et combattu pour elle si vaillamment, elle descendait la pente un peu raide, de son pas vif et léger, afin de lui exprimer sa reconnaissance. Elle était encore pâle et frissonnante d’émotion contenue. Malgré tout, cette jeune fille – presque une enfant encore – d’apparence frêle et délicate, devait être douée d’une âme forte et vaillante, car ses yeux, tour à tour, si malicieux et si doux, étincelaient encore du feu de l’enthousiasme qu’avait déchaîné en elle le spectacle violent auquel elle venait d’assister.
    Les adversaires réconciliés de Ferrière tournaient le dos à la butte en ce moment. Ils ne pouvaient donc la voir. Lui, au contraire, faisait face au petit sentier. Il la vit tout de suite. Et il oublia ses compagnons, il oublia le mourant – le mort peut-être –, il oublia la lutte épique et où il se trouvait pour la regarder venir d’un air extasié. Et lui, qui n’avait pas tremblé dans la bataille, il se sentit frissonner de la nuque aux talons.
    Cependant, de Bonneval et d’Abancourt, penchés sur Saint-Solin, examinaient sa blessure. Ils se relevèrent aussitôt. Ils étaient un peu pâles, et d’une voix qui tremblait légèrement.
    « Diable, dit Bonneval, tu as eu la main lourde, Ferrière, soit dit sans reproche… Le pauvre Saint-Solin est mort. »
    Fiorinda, qui s’approchait, entendit. Ses traits si fins se contractèrent, ses yeux se voilèrent, et la pâleur de ses joues s’accentua.
    Ferrière ne parut pas avoir entendu. Il était plongé dans une rêverie profonde et tenait les yeux obstinément fixés sur elle. Ils suivirent la direction de ce regard et ils l’aperçurent alors à quelques pas d’eux.
    D’un même geste spontané, ils se découvrirent tous les quatre. Et les trois qui se tenaient debout : de Saverny, de Bonneval et d’Abancourt, s’inclinèrent devant elle, comme ils eussent fait devant une reine.
    Elle s’arrêta aussitôt, attentive, un peu étonnée.
    « Madame, dit Saverny, avec un air qui ne manquait pas de
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