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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs
Autoren: Michel Zévaco
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implacable.
    « L’un des vôtres est absent, et vous allez savoir pourquoi, dit-il. Mais avant de vous expliquer comment la stalle de l’illustre Davila est vide…
    – Avant de vous parler de Davila, reprit le Grand Inquisiteur, finissons-en avec les formalités que nous impose la loi ! »
    Foscari sortit de sa stalle et alla lui-même ouvrir toute grande la porte du fond – non celle par où il était entré, mais une porte qui donnait sur une salle vide. C’est là que devaient se tenir les témoins venant déposer. Des témoins, il n’y en avait jamais… Jamais personne ne se présentait à l’appel de l’Inquisiteur. Mais la loi exigeait cet appel.
    A haute voix, sur le seuil de la porte, Foscari parla avec solennité :
    « Que celui qui nous a dénoncé Roland Candiano pour le salut de la république, que celui-là, s’il est ici, entre et parle selon sa conscience ! »
    Il attendit un instant, puis regagna sa place.
    Comme il atteignait sa stalle, il perçut qu’un frémissement agitait les juges. Il se retourna et demeura stupéfait.
    Une femme était là, dans l’encadrement de la porte qu’il venait de quitter !… Cette femme, c’était la courtisane Imperia !…
    Foscari se remit aussitôt de son trouble.
    « C’est vous, demanda-t-il, qui avez dénoncé Roland Candiano ?
    – C’est moi ! dit Imperia.
    – Parlez donc librement et sans crainte. »
    – Je vais dire… toute la vérité… toute, oh ! toute ! si affreuse qu’elle soit !… » murmura-t-elle.
    A ce moment, la porte qui donnait du côté de la salle des doges s’ouvrit, et Léonore parut.
    La parole expira sur les lèvres d’Imperia. Ses yeux se fixèrent sur la jeune fille avec une expression d’intraduisible haine.
    « Qui ose pénétrer ici ? » tonna Foscari.
    D’un pas rapide, Léonore s’était portée au milieu de la salle.
    Elle se tourna vers les juges et d’une voix brisée de sanglots :
    « Pardonnez-moi… je viens le défendre !… »
    Elle était si belle, ses yeux baignés de larmes exprimaient une telle douleur qu’une prodigieuse émotion fit palpiter ces hommes ! seul, Altieri demeura affaissé à sa place, en proie à un vertige de jalousie, se demandant s’il n’allait pas se tuer d’un coup de poignard.
    Lentement, Imperia s’était reculée.
    Léonore la vit-elle seulement ? Ce n’est pas probable. Et tout de suite, elle commençait à parler.
    « De quoi l’accusez-vous ?… Qu’a-t-il fait ? Il devait être de retour au bout d’une heure, et l’heure s’écoule… Où est-il ?… Seigneurs, chers seigneurs, je reconnais parmi vous des hommes qui étaient ses amis… Vous, Altieri, comme il vous chérissait !… Et vous, Mocenigo, il s’est battu pour vous !… Et vous, Grimani, ne l’avez-vous pas souvent accompagné chez mon père ?… Et vous, Morosino, il a sauvé votre fils ! Vous étiez ses amis… Et vous êtes là pour l’accuser, pour le juger, le condamner ! Chers seigneurs, si vous me l’enlevez, ôtez-moi la vie, arrachez-moi l’âme, puisqu’il est mon âme et ma vie… Vous vous étonnez ! Comme si une Dandolo ne savait pas son devoir !… Une de mes aïeules a sauvé la république… je puis bien, moi, sauver mon époux ! J’ai le droit d’être ici ! Je veux savoir ?… De quoi l’accuse-t-on ?… Qui l’accuse ?…
    – Moi », dit Imperia.
    Léonore eut un sursaut d’horreur, et se tournant vers la courtisane qui s’avançait, fixa sur elle des yeux hagards.
    « Vous madame !… Qui êtes-vous ?…
    – Vous allez le savoir ! Je me nomme Imperia… j’exerce dans Venise un métier que j’ai exercé à Rome. Je suis une pauvre femme souillée… Je fais profession de ma beauté. Comprenez-moi bien, madame, je suis une courtisane… »
    Tout ce que la jalousie et la haine peuvent mettre de poison dans des paroles, Imperia le mit dans ces mots.
    Léonore secoua la tête.
    « C’est moi qui ai dénoncé Roland, acheva Imperia.
    – C’est vous… qui dénoncez… Roland !… bégaya Léonore.
    – Moi, madame. J’ai dénoncé… j’accuse Roland Candiano d’avoir comploté la destruction de l’Etat en frappant les membres du Conseil l’un après l’autre… »
    L’accusation était si formidable que les juges en frémirent d’épouvante. Léonore, d’un geste de folie, écarta les cheveux qui frissonnaient sur son front. Aucun cri ne s’exhala de sa gorge serrée. De la même voix
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