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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs
Autoren: Michel Zévaco
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coup, on vit le doge se tourner vers le grand inquisiteur :
    « Seigneur Foscari, dit-il d’une voix qu’il s’efforçait d’apaiser, mon fils innocent exige que son innocence soit proclamée par le Conseil. Faites donc votre besogne, comme nous faisons notre devoir. Que le tribunal se réunisse à l’instant !
    – Le tribunal attend ! » dit Foscari glacial.
    Le doge tressaillit. Ainsi tout avait été préparé pour le jugement !
    « Seigneur Foscari, dit Roland très calme, voici mon épée que je vous confie. Je suis prêt à répondre au tribunal. »
    Sur un signe du grand inquisiteur, un officier saisit le bras du jeune homme. Mais il n’avait pas accompli ce geste qu’il s’affaissait, le front ensanglanté par un coup que Roland venait de lui porter, avec une foudroyante rapidité.
    « Entendons-nous, monsieur l’inquisiteur, dit Roland avec un sourire qui le faisait terrible ; vous avez devant vous un homme libre. C’est par ma volonté que je me rends devant le suprême Conseil. Donnez donc l’ordre à vos gardes de s’écarter… »
    Foscari, d’un rapide coup d’œil, jugea la situation. Roland lui apparut ce qu’il était en réalité : capable de soulever la ville. Au-dehors, des rafales d’émeutes s’élevaient.
    « Soit ! dit-il, toujours glacial. Nul ne vous touchera. Suivez-moi, Roland Candiano !
    – Je vous précède, dit le jeune homme.
    – Roland ! » cria Léonore en tendant les bras.
    Roland se retourna et vit sa fiancée très pâle, s’appuyant à sa mère pour ne pas tomber. Il vit la flamme d’amour de ses beaux yeux noyés de douleur. Il vit sa vieille mère désespérée. Il vit son père sombre, entouré de seigneurs silencieux. Toute cette scène de deuil et d’effroi resta dans ses yeux.
    « Dans une heure, Léonore ! Dans une heure, ma mère ! Dans une heure, mon père ! »
    Il prononça ces paroles avec une étrange fermeté, et se retournant brusquement, il se mit à marcher vers la grande porte du fond.
    Comme il allait disparaître, il entendit une dernière fois l’appel déchirant de sa fiancée :
    « Roland ! Roland ! »
    Il s’arrêta, livide, frissonnant.
    Mais quoi ! Qu’avait-il à redouter ! D’un mot, il allait confondre la calomnie – et il sauvait son père…
    Il passa !… La grande et lourde porte se referma !…
    q

Chapitre 4 LE CONSEIL DES DIX
    L a salle du Conseil des dix se trouvait dans le palais ducal qui contenait aussi la salle des Inquisiteurs d’Etat – double menace ! Les Dix et les Inquisiteurs vivaient dans l’ombre autour des doges : deux pinces de la même tenaille toujours ouverte pour broyer. Lorsque le doge était homme de proie et d’ambition, il essayait de saisir les deux pinces, et la tenaille servait alors à broyer le peuple. Lorsque le doge était homme de liberté, lorsqu’il était suspect au patriciat, comme Candiano, c’est sur lui et les siens que se refermaient les dents de la terrible machine politique.
    Foscari entra dans la salle du Conseil. Il prit place dans une stalle de bois sculpté en face des dix stalles dont une seule était inoccupée : celle de Davila !
    Le Grand Inquisiteur était entré seul. Qu’était devenu Roland ?
    Les neuf membres du Conseil des Dix, constitués en tribunal secret, étaient à leurs places.
    « Messieurs, dit Foscari, depuis longtemps vous connaissez les menées souterraines de Roland Candiano. Dans votre esprit, il est condamné. Est-ce exact ? »
    La plupart des neuf inclinèrent la tête, gravement.
    « L’occasion seule nous faisait défaut. Nous avons ce soir le flagrant délit de trahison. Les hurlements de la plèbe qui entoure ce palais en acclamant le traître sont la plus terrible et la plus précise des accusations. Est-ce vrai ? »
    Le même signe fut répété, mais par cinq seulement des neuf juges.
    « Messieurs, continua le Grand Inquisiteur, en ce moment, les minutes sont précieuses. La révolte qui menace nos privilèges doit être étouffée dès ce soir. Roland Candiano a soulevé les mariniers ; Roland Candiano a fomenté l’insurrection contre le patriciat. La formalité que nous accomplissons nous sauvera à condition d’être rapide.
    – Votons ! dit Mocenigo, l’un des Dix.
    – L’un des nôtres manque, observa Grimani.
    – C’est vrai ! ajoutèrent deux ou trois autres. Nous ne pouvons voter ! »
    Altieri essuya son front couvert de sueur.
    Foscari eut un sourire
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