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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent
Autoren: Viviane Moore
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frère ?
    — Le seigneur de Pirou a donné ordre qu’on ne le dérange sous aucun prétexte. Sa porte est close. Peut-être qu’il est avec les étrangers. La douleur est passée ?
    — Oui.
    — J’vas vous nettoyer un peu et vous masser.
    Muriel n’eut pas le courage de protester. Elle s’abandonna et ferma les yeux. On lui passait un linge sur le visage, puis elle sentit qu’on la massait avec un baume. Ça sentait le romarin, le laurier et la pimprenelle. Une odeur de prairie chauffée par le soleil.
    — J’vas vous redresser.
    La petite servante brossait les longs cheveux de sa maîtresse quand celle-ci se plia en deux, un flot de bile montant à ses lèvres.
    — Ma potion ! haleta Muriel.
    La gamine se précipita vers le coffre et revint, une fiole de verre à la main. Elle glissa le bec entre les lèvres de la femme qui se tordait de douleur, y laissant couler le liquide.
    Enfin, elle l’aida à se rallonger, ramenant le drap sur elle. De grands cernes noirs soulignaient les yeux. L’odeur de mort était revenue. La Roussette essuya la bouche souillée, tordue par une grimace.
    — J’vas chercher du monde ! marmonna la petite en prenant la fuite.
    La porte s’était refermée. Les monstres allaient revenir et la dévorer. La chimère, les chauves-souris.
    — Bertrade ! Je veux Bertrade, souffla Muriel.
    Essoufflée, la nourrice arriva quelques instants plus tard. Elle avait croisé la Roussette affolée dans les escaliers. Elle déposa le brouet qu’elle avait apporté sur le dessus du coffre et s’approcha. N’eût été sa poitrine qui se soulevait imperceptiblement, Muriel avait l’air d’un cadavre. Bertrade s’approcha.
    — Je ne veux pas mourir, supplia la malade en ouvrant les yeux.
    La grosse femme la serra contre elle.
    — Tu mourras pas. La bonne Vierge le permettra pas.
    Tout en parlant, elle caressait les cheveux moites. La douleur était à nouveau partie. Muriel se détendit et la vieille lui murmura des mots doux comme elle faisait quand, enfant, elle s’effrayait des ombres de la nuit.
    — Tu es plus blanche que tes draps, dit-elle, et si maigre ! Tu as pris ta potion ?
    — Oui.
    Bertrade s’obstinait à penser qu’elle allait sauver Muriel.
    — Il faut que tu manges, ma toute petite. Ta Bertrade va te guérir. La dernière fois, tu as réussi à avaler la bouillie d’épeautre aux amandes. Je vais t’en préparer une toute pareille avec le miel des abeilles du vieux Sven.
    Muriel acquiesça. Elle n’osait avouer à Bertrade que celle qui avait si bien mangé ce jour-là était la Roussette. Pour elle, les repas étaient une torture et hormis de la mie de pain trempée dans de l’eau, elle ne pouvait rien avaler. Interrompant le cours de ses pensées, la cloche annonça l’office de tierce. La cloche... la chapelle... La chapelle Saint-Laurent était un lieu que Muriel avait toujours aimé. Enfant, elle s’y réfugiait pour discuter avec frère Baptiste ou parler en tête à tête avec Dieu, le suppliant d’empêcher son mariage avec Ranulphe.
    Mais Dieu avait fort à faire : la guerre en Angleterre, les querelles des barons normands...
    Depuis son arrivée au château, elle avait gardé la chambre, trop mal pour assister aux offices. Bien sûr, l’aumônier était venu la voir, mais à chaque fois, elle avait des crises. Frère Baptiste... Il lui apparut soudain comme la seule personne vers qui elle pouvait se tourner.
    Il fallait qu’elle lui parle, qu’elle lui dise ce qui la tourmentait et qu’elle n’osait avouer à personne, pas même à sa Bertrade.
    — Aide-moi ! fit-elle. Je veux assister à l’office.
    — Tu es trop fragile et l’endroit est glacial. Le bon frère viendra te visiter.
    — Je le veux.
    — Bien, alors, reste tranquille, fit Bertrade en lui nettoyant rapidement le visage et en nouant ses cheveux.
    Muriel se laissait faire. La nourrice alla au coffre chercher la longue robe de drap et le mantel de fourrure qu’elle l’aida à enfiler.
    — Je vais chercher des serviteurs.
    Quelques instants plus tard, la dame de l’Épine, affalée sur un fauteuil porté par deux valets, entrait dans le lieu saint.

6
    Dédiée au diacre martyr Laurent, la chapelle était un modeste bâtiment de pierre accoté aux remparts. Partagé en deux, il servait à la fois de lieu de culte, d’hôpital et de chambre à coucher pour l’aumônier.
    La lumière provenant de l’unique fenêtre tombait sur une grande lauze
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