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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan
Autoren: Jean Teulé
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teniez de votre père... Et là, que faites-vous encore ?
    — J’enlève
ce portrait de votre mari que je vais brûler et ainsi personne ne saura plus
jamais à quoi il ressemblait. J’ai fait casser à la masse les cornes en pierre
de son portail et son blason. J’ai mis le feu à ses lettres. Le roi qui l’a
appris va m’offrir une chaussée à Paris. Rendez-vous compte, mère... La
chaussée d’Antin !
    Et sans un mot
de plus, le gros courtisan part sans attendre la mise en bière ni même la mort
de sa mère. Le long du parquet, il déserte sur l’heure à grands bruits de
talons rouges. Il rejoint son cheval dans la cour de l’hôtel particulier :
    — Hue !
    La marquise
tourne la tête vers la porte laissée grande ouverte et aperçoit, dans la pièce
d’à côté, des religieuses autour d’un tableau.
    — Que
font-elles ? demande une cuisinière. Et pourquoi ont-elles des pinceaux
dans les mains ?
    La soubrette
attablée, décortiquant des écrevisses, raconte :
    — Avant
de quitter Versailles, l’ancienne favorite a voulu se faire peindre en
Marie-Madeleine repentante avec dans la main gauche un livre ouvert puisqu’elle
est gauchère. Mais les religieuses du couvent de La Flèche à qui elle a offert
le tableau trouvent que cette Marie-Madeleine a les seins trop découverts,
aussi elles font un repeint de pudeur. Les bonnes sœurs rajoutent un
tulle bleu sur la poitrine de la Montespan pendant qu’elle se meurt Quelqu’un
d’autre veut des écrevisses ?
    Sept ou huit
filles mangent et boivent dans la chambre en discutant librement comme si la
marquise n’était plus là. Celle-ci pourtant respire encore. Par moments, elle
s’assoupit mais sort de sa torpeur en nage et hurlante. Vers trois heures du
matin quelqu’un dit :
    — Tiens,
elle ne respire plus.
    Le médecin de
Bourbon-l’Archambault constate le décès.
    — Vous
êtes certain ? insiste la soubrette, parce que dans sa généalogie il y a
déjà eu une ressuscitée !
    Le praticien
vérifie qu’aucune buée ne se forme sur le miroir qu’il approche des lèvres de
la marquise - « Elle est morte » - et s’en va. La soubrette
demande :
    — Où est
passée la maréchale de Cœuvres ?

 
55.
     
     
    — Qui me
paiera les frais d’obsèques ? demande le curé de Bourbon-l’Archambault
sous les voûtes de son église.
    — Ah ça,
on n’en sait rien, père Pétillon. D’Antin est devenu injoignable et les
marquises, maréchales de la région qui, dans l’éventualité d’un retour en
grâce, la visitaient et l’honoraient telle une reine en début de séjour nous
répondent aujourd’hui que ce n’est plus leur problème. Les courtisans sont des
êtres éminemment pratiques.
    — Ah oui,
mais vous ne pouvez pas me laisser ça, là, hein ! Ça fait trois
semaines ! Elle pue.
    — Que
voulez-vous..., s’excuse la soubrette entourée des domestiques, valets de la
défunte. Le duc du Maine a eu quelque difficulté à cacher la joie d’apprendre
la mort de sa mère. Et quand on lui a parlé de frais d’enterrement, il a éclaté
de rire. Le comte de Toulouse, lui, en la sachant au plus mal, s’était jeté sur
la route de Bourbon mais, arrivé à Montargis, quand il a appris le décès et
qu’on l’attendait pour organiser et payer les funérailles, il a tourné bride et
fui au galop. Il a couru cacher sa peine à sa chaise percée.
    — En
revanche, on se disait..., intervient un valet, que puisque avant de mourir
elle a enrichi les capucins de la ville et le clergé paroissial, vous pourriez,
quand même, peut-être...
    — Non,
non, non, refuse le curé. Pour la plus grande catin de France ? Vous
plaisantez. Adressez-vous plutôt à son ancien amant.
    — On dit
que le roi, apprenant la mort de la marquise, est resté impassible, qu’il a
couru le cerf comme décidéavant la nouvelle et qu’ensuite il s’est
promené seuldans ses jardins jusqu’à la nuit mais il n’a rien donné
pour l’enterrer.
    — Alors
c’est vous qui paierez ! décide le curé. C’est vous qui me l’avez
apportée, c’est vous qui payez.
    — Quoi ?
s’insurge la soubrette. La puissante tombée au séant, les yeux redoutables à peine
clos, tout le monde fuit et le cadavre de la marquise est laissé à l’abandon et
à la charge des valets ?
    — Les
domestiques se partageront les obsèques. Mais qu’est-ce qu’elle pue ! se
désole l’abbé devant la bière posée sur les dalles dans
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