Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan
Autoren: Jean Teulé
Vom Netzwerk:
extrêmement amusante ! On ne s’ennuie jamais avec elle. Vous
voyez l’obèse, là-bas au premier rang ? C’est mon aîné, Vivonne. L’autre
jour, alors que je reprochais à ma petite de ne pas faire assez d’exercice,
elle m’a répondu : « Quelle médisance ! Il n’y a point de jour
que je ne fasse quatre fois le tour de mon frère. »
    Celui à qui il
s’adresse, homme vieillot avec un grand nez de perroquet qui lui tient tout le
visage, demande :
    — A côté
du fils, est-ce votre femme ? Elle a l’air très, très pieuse...
    — Ah ça,
dit l’autre, côté adultère, je me crois tiré d’affaire devant les hommes mais
je me tiens pour cocu devant Dieu !
    — Regardez
la mienne qui préfère vivre loin de moi, la grande Chrestienne de Zamet à
droite, c’est pareil, grommelle l’homme à bec de perroquet. Elle assaisonne
parfaitement sa tendresse de mère avec celle d’épouse de Jésus-Christ !
Hou, hou, hou !...
    Ils pouffent tous
deux, les pères des mariés, spirituels et gaillardement débauchés. Quelqu’un,
devant eux, se retourne en fronçant les yeux puis lance à sa voisine :
« Ah, ils se sont bien trouvés, ces deux-là... »
    Ils se sont
bien trouvés aussi, les deux qui se marient huit jours seulement après s’être
rencontrés. Devant le curé et quatre témoins dignes de foi, ils se donnent le
sacrement en un dimanche d’hiver. L’ecclésiastique inscrit la date - 28 janvier
1663  – sur le registre paroissial puis le nom des tourtereaux qu’il
prononce à voix haute :
    — Françoise
de Rochechouart de Mortemart, dite Mlle de Tonnay-Charente et...
    La voluptueuse
blonde Françoise saisit la plume d’oie qu’on lui présente et, tandis que le
curé articule aussi l’identité de son époux - « Louis-Henri de Pardaillan
de Gondrin, marquis de... » -, elle signe pour la première fois de
son nouveau nom :

 
2.
     
     

     
    Un carrosse
vert pomme agrémenté de dorures arrive rue Saint-Benoît avec, sur les
portières, les armes du marquis de Montespan. De grosses courroies de cuir sur un
train de quatre roues soutiennent la caisse suspendue du véhicule qui remue
dans la rue abîmée.
    Des boueurs,
ramassant les vidanges urbaines évacuées en tombereau jusqu’à la Seine,
stoppent la progression de la voiture. Françoise et Louis-Henri contemplent
l’extérieur par les glaces. Avec leurs étals et leurs ateliers, leurs bruits,
les artisans font la vie et le fourmillement du quartier. Les hardes des
boueurs sont bien proches de celles des mendiants qu’ils côtoient. Françoise
raconte :
    — Quand
j’étais petite fille, un jour de fête religieuse, ma mère a voulu que je lave
des pieds de pauvres à la sortie d’une église. Après m’être approchée du
premier indigent, je ne pus me résoudre à me baisser. Je reculai et pleurai. La
misère était là, présente et directe, et révulsait l’enfant que j’étais. Je
n’ai pas nettoyé les pieds des pauvres.
    La voie
soudain dégagée, le carrosse reprend son allure et tourne, rue Taranne, pour
s’arrêter presque aussitôt à gauche sous une enseigne de bois où est peinte une
perruque. Louis-Henri descend de la voiture en commentant :
    — Les
malheurs du peuple sont la volonté de Dieu et ne méritent pas qu’on gaspille
ses sentiments.
    Il contourne
le véhicule pour ouvrir la portière de Françoise :
    — Ce
n’est pas comme toi.
    Il l’admire en
se mordant une lèvre :
    — Je sens
bien que je t’aime plus que tout le monde n’a coutume d’aimer, mais je ne
saurais te le dire que comme tout le monde te le dirait. Je suis au désespoir
que toutes les déclarations d’amour se ressemblent.
    La marquise, belle
sous son chapeau de fleurs, rejoint le sol de la rue en prenant la main qu’il
lui tend :
    — Tu es gentil... Mais elle
blague aussitôt en minaudant et décomposant des gestes exagérés. La plus grande
marque d’esprit qu’on puisse me donner, ah, c’est d’avoir de l’admiration pour
moi, ah ! J’aime l’encens. J’aime être aimée !
    Cette manière
de cacher l’émotion derrière la plaisanterie réjouit Louis-Henri. Pendant que
le carrosse manœuvre  – poing du cocher au mors d’une jument  – pour
aller se garer sous le toit d’une écurie derrière le puits de la cour de
l’immeuble, Françoise pousse la porte d’un perruquier en s’exclamant :
    — Monsieur
Joseph Abraham, notre dé-li-cieux propriétaire !... On a
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher