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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan
Autoren: Noah Gordon
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ceinture à outils allèrent à
Allwyn, un compagnon menuisier.
    La nourrice
garda le petit Roger et reçut le matériel de broderie. Rob ne connaissait pas
cette femme ; c'est Bukerel qui lui apprit ce qui avait été décidé.
    Enfin, le
boulanger Haverhill et sa femme vinrent chercher ce qu'il y avait de mobilier
en bon état, et Anne Mary s'en fut vivre chez eux, au-dessus de la boutique.
    « Au
revoir, petite fille, murmura Rob en la serrant fort contre lui. Je t'aime, ma
demoiselle, mon Anne Mary. »
    Mais elle
semblait lui en vouloir de tout ce qui s'était passé et ne lui dit pas au
revoir.
    Il restait
seul et n'avait plus rien. Il vécut en ermite dans les pièces à moitié vides.
Personne ne l'invita, même pour un repas. Ses voisins, qui ne pouvaient ignorer
son existence, l'entretenaient chichement : un pain rassis, un bout de
fromage. Couché près de la fenêtre ouverte, derrière le rideau de Mam, il
épiait les secrets de ce monde hostile ; il entendait passer les
charrettes, aboyer les chiens ; il y avait des jeux d'enfants et des
chants d'oiseaux. Parfois, il entendait les gens parler de lui, comme s'il
était question de quelqu'un d'autre.
    « Que
va-t-il devenir ? soupirait Mme Haverhill. J'ai conseillé à maître Bukerel
de le vendre comme indigent. Même dans ces temps difficiles, le prix d'un jeune
esclave peut dédommager la guilde et nous tous de ce qu'a coûté la famille
Cole. »
    Mme Bukerel
renchérissait :
    « Le
procureur ne veut pas en entendre parler, mais je finirai bien par le
convaincre. »
    Quand les deux
femmes furent parties, Rob se sentit pris de fièvre : le sang lui monta à
la tête, il frissonna. Toute sa vie il avait vu des esclaves, pensant n'avoir
rien de commun avec eux puisqu'il était né anglais et libre.
    Il était bien
trop jeune pour travailler aux docks, mais il savait qu'on employait des
enfants dans les mines, où les tunnels étaient trop étroits pour un corps
d'homme. Il savait aussi qu'un esclave est mal vêtu, mal nourri, cruellement
fouetté à la moindre faute. Et que c'est pour la vie.
    Il attendait,
dans la maison abandonnée et silencieuse, tremblant au plus léger bruit.
    Le cinquième
jour après l'enterrement de son père, un inconnu vint frapper à la porte.
    « Tu es
le jeune Cole ? »
    Rob hocha
prudemment la tête, le cœur battant.
    « Je
m'appelle Croft. Je suis envoyé par un nommé Richard Bukerel avec qui j'ai bu à
la taverne Bardwell. »
    Il paraissait
d'un certain âge, corpulent, le visage tanné entre de longs cheveux d'homme
libre et une barbe ronde et frisée de la même couleur rousse.
    « Quel
est ton nom exactement ?
    – Robert
Jeremy Cole, monsieur.
    – Et ton
âge ?
    – Neuf ans.
    – Je suis
barbier-chirurgien et je cherche un apprenti. Sais-tu ce que fait un
barbier-chirurgien, jeune Cole ?
    – Vous êtes
une sorte de médecin ? »
    Le gros homme
sourit.
    « Pour
l'instant, c'est un peu ça. Bukerel m'a mis au courant de ta situation. Est-ce
que mon métier t'intéresse ? »
    Non. Rob
n'avait pas envie de devenir un médecin comme celui qui avait saigné son père à
mort. Mais il voulait encore moins être vendu comme esclave, aussi répondit-il
« oui » sans hésiter.
    « Le
travail ne te fait pas peur ?
    – Oh non,
monsieur !
    –
Heureusement, car tu vas en baver ! Bukerel m'a dit que tu savais lire,
écrire et que tu connaissais le latin ?
    –Très peu de
latin, à vrai dire...
    – Je te prends
à l'essai pendant quelque temps, mon petit gars. Tu as des
affaires ? »
    Son balluchon
était prêt depuis longtemps. « Suis-je sauvé ? » se
demanda-t-il.
    Ils grimpèrent
dans une charrette étrange comme il n'en avait jamais vu ; elle avait un
mât blanc de chaque côté du siège avant, noué d'un large ruban comme un serpent
écarlate. C'était une voiture couverte, barbouillée de rouge, avec des
peintures jaune soleil qui représentaient un bélier, un lion, une balance, une
chèvre, un archer, un crabe... Le cheval gris pommelé se mit en route et ils
descendirent la rue des Charpentiers, dépassèrent la maison de la guilde et se
faufilèrent dans la foule de la rue de la Tamise.
    Rob, figé sur
son siège, jetait de brefs coups d'œil à son voisin : un beau visage,
malgré son nez gras, rouge et proéminent, une loupe sur la paupière gauche et
de fines rides au coin des yeux bleus et perçants.
    Ils
atteignirent les écuries d'Egglestan, traversèrent la Tamise
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