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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan
Autoren: Noah Gordon
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gens
fortunés ; après son apprentissage, Ferraton avait conservé la même
clientèle. Un fils de commerçant ne pouvait espérer s'introduire chez les
nobles, mais il se sentait bien avec les patients aisés dont il partageait les
manières et les intérêts. Il refusait les classes laborieuses et fut déçu de
découvrir pour qui on l'avait dérangé. Voulant éviter une scène, il préféra en
finir au plus vite.
    Il toucha
légèrement le front de Nathanael, le regarda dans les yeux et flaira son
haleine.
    « Bien,
dit-il, ça va passer.
    – Qu'est-ce
qu'il a ? » demanda Bukerel.
    Ferraton ne
répondit pas et Rob devina que le docteur n'en savait rien.
    « Amygdalite
purulente, dit-il enfin en désignant les taches blanches de la gorge en feu.
Inflammation temporaire, rien de plus. »
    Il posa un
garrot sur le bras du malade, incisa droitement une veine et lui tira une bonne
pinte de sang.
    « Et si
la saignée n'a pas d'effet ? » dit encore Bukerel.
    Le médecin
fronça les sourcils : il ne remettrait pas les pieds chez ces gens-là.
    « Je
ferais mieux de le saigner encore pour plus de sûreté », dit-il, et il
s'occupa de l'autre bras.
    Il laissa une
petite fiole de calomel mêlé de roseau carbonisé, et se fit payer visite,
saignées et médicament.
    « Sacré
charlatan ! Boucher ! » grommela Bukerel en le regardant partir,
et il promit à Rob de lui envoyer une femme pour s'occuper de son père.
    Blême, épuisé,
Nathanael ne bougeait plus. Il prit plusieurs fois son fils pour Agnes et
chercha sa main. Mais, se rappelant ce qui était arrivé pendant l'agonie de sa
mère, Rob la lui refusa. Plus tard, honteux, il retourna à son chevet et saisit
cette main durcie par le travail ; il regarda les ongles écornés, la peau
incrustée de crasse avec ses poils noirs et frisés.
    Et tout
recommença : il saisit l'évidence du déclin irréversible, de la flamme qui
vacille et s'éteint. Son père allait mourir, c'était imminent. Il fut pris
d'une terreur muette, celle-là même qui l'avait étreint quand Mam avait disparu.
    De l'autre
côté du lit, il vit ses frères et sa sœur. Alors la nécessité immédiate
l'emporta sur son angoisse et son chagrin. Il secoua le bras de son père.
    « Et
maintenant, qu'est-ce que nous allons devenir ? » dit-il d'une voix
forte. Mais personne ne répondit.

3. LA SÉPARATION

 
    Cette fois, comme c'était un homme de la guilde qui était mort et pas seulement un
parent, la corporation fit les frais de cinquante psaumes. Deux jours après les
funérailles, Délia Hargreaves partit pour Ramsey vivre chez son frère. Richard
Bukerel prit Rob à part.
    « Quand
il n'y a plus de famille, on répartit les enfants et les biens, dit-il
vivement. La guilde s'occupera de tout. »
    Rob en resta
pétrifié. Le soir, il essaya de l'expliquer à ses frères et à sa sœur. Samuel fut
le seul à comprendre.
    « Alors,
on va nous séparer ?
    – Oui.
    – Chacun ira
vivre dans une autre famille ?
    – Oui. »
    Cette nuit-là,
quelqu'un se glissa dans son lit. Ni Willum ni Anne Mary comme il s'y serait
attendu, mais Samuel, qui jeta ses bras autour de lui, à croire qu'il avait
peur de tomber.
    « Je
voudrais qu'ils reviennent, Rob !
    – Moi
aussi. »
    Il tapota
l'épaule osseuse qu'il avait si souvent frappée et, pour une fois, ils
pleurèrent ensemble.
    « On ne
se reverra plus jamais ? »
    Rob se sentit
glacé.
    « Oh !
Samuel, ne sois pas stupide. Nous habiterons sans doute dans le même coin et
nous nous verrons tout le temps. On est frères pour toujours. »
    Samuel,
consolé, dormit un peu mais avant l'aube il mouilla le lit : pire que
Jonathan ! Il eut honte et craignit de rencontrer le regard de Rob, mais
ses craintes étaient vaines car il partit le premier. Les marteaux et les scies
de Nathanael échurent avec lui à un maître charpentier qui demeurait six
maisons plus loin.
    Deux jours
plus tard, un prêtre nommé Ranald Lovell vint avec le père Kempton, qui avait
chanté les messes pour Mam et Pa. Il était muté au nord de l'Angleterre et
voulait emmener un enfant. Il les regarda tous et choisit Willum. C'était un
homme grand, cordial, aux cheveux blonds et aux yeux gris, où Rob voulut lire
de la bonté.
    Il se demanda
s'il ne pourrait pas garder les deux petits, mais comment les nourrir ? Il
fallait déjà ménager les restes du repas des funérailles et Rob était réaliste.
Jonathan, le gilet de cuir de son père et sa
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