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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade
Autoren: Marianne Leconte
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devenir un grand sultan, songea Manuel soudain mélancolique. Mais Aïcha l’avait imposé sur le trône à un âge trop tendre. Cette mégère avait pris sur l’enfant une telle ascendance qu’il n’avait jamais pu grandir et devenir un homme.
    Tandis que sa génitrice se débattait dans les bras robustes des soldats en vomissant des imprécations épouvantables, Boabdil s’adressa à Manuel :
    — Il est temps que la prophétie s’accomplisse et que Grenade redevienne cette cité généreuse qu’elle fut dans le passé.
    L’ambassadeur acquiesça d’un signe de tête :
    — Myrin, Pedro, Isabeau, veuillez joindre vos mains et que l’émeraude épouse l’eau sacrée.
    Pendant que les trois rescapés s’approchaient de la fontaine, Manuel se pencha vers le sultan et murmura :
    — Vous n’avez pas cru à ma fable des quatre élus ?
    — J’ai encore des doutes, mais nous n’avons pas le choix, répondit Boabdil à voix basse.
    — J’ai tout inventé pour que le sorcier délivre Yasmin avoua Manuel. À mon avis l’émeraude seule est importante.
    — Ne sous-estimez pas le rôle des élus, ni les mots de la prophétie.
    Puis comme l’hidalgo se taisait, il ajouta :
    — À votre avis, que va-t-il se passer ?
    — Je l’ignore, mais nous allons bientôt le savoir, chuchota don Manuel en regardant Myrin plonger le talisman dans l’onde de la grande vasque.
    — Quoi qu’il arrive, je vous souhaite bonne chance, eut le temps de lui souffler l’émir de Grenade.
    Manuel contempla les silhouettes des trois élus. Immobiles devant la fontaine majestueuse, arrosés par l’eau vive, en attente d’un miracle, ils se tenaient toujours par la main. Isabeau et Pedro, épaule contre épaule, paraissaient très grands en comparaison de la guérisseuse qui avec l’âge s’était tassée. Son Talent était une vraie malédiction. Il se demanda si son sacrifice serait récompensé.

17
    Le Mirage
    E N DÉPIT DE L’HEURE NOCTURNE , l’air devint plus sec et plus chaud, distillant comme un avant-goût d’orage. Un vent puissant s’engouffra dans le jardin, les étoiles s’éteignirent, la lune disparut et des lambeaux blanchâtres apparurent dans le firmament bleu nuit. Fouettées par des tourbillons aux formes torturées, les nuées s’affrontaient dans un tumulte assourdissant. Puis des montagnes apparurent, couronnées de neige, séparées par de vertes vallées où s’élevaient places et maisonnées couvertes de terrasses, palais et caravansérails, minarets mauresques et clochers effilés. Hors des remparts s’étendait une vaste plaine riche en arbres fruitiers et en cultures maraîchères. Toutes les personnes présentes, souffles courts et yeux écarquillés, reconnurent Grenade et sa vega .
    Un soleil éclatant illuminait la cité céleste, suspendue dans un ciel noir comme une tombe. Le mirage fut traversé par des pulsations de lumière dorée accompagnées de flammes bleues, d’étincelles rougeoyantes, d’éclairs orangés. Les couleurs s’agrégèrent ; un arc-en-ciel apparut, qui se déploya jusqu’à former une membrane sphérique translucide. À l’intérieur de cette bulle gigantesque flottait la ville fruit.
    L’air de la cour des Lions se chargea de vibrations. Des flux d’énergie pétillante descendirent de la sphère irisée et électrisèrent les corps des spectateurs immobiles. Chatouillées par des fourmillements insupportables, les personnes présentes perdirent peu à peu de leur substance charnelle pour devenir transparentes, puis disparaître complètement.
     
    Aspergée par une pluie légère, Myrin ouvrit les yeux et les referma aussitôt, aveuglée par un soleil brûlant. Clignant des paupières, elle se redressa pour se trouver face à face avec les lions. Ainsi ils étaient toujours dans le palais de l’Alhambra. Que s’était-il passé ? L’image d’une ville enfermée dans un globe chatoyant lui revint. Son front ne la brûlait plus et l’aube nouvelle retentissait du chant délicieux des oiseaux. Elle avait l’impression de se réveiller d’un cauchemar et se sentait merveilleusement bien, comme soulagée du poids des ans. Elle s’assit en tailleur, regarda ses mains avec avidité, lisses et blanches, des mains de jeune femme. Elle saisit une mèche de ses longs cheveux, une rousseur éclatante. Un puissant sentiment d’allégresse l’envahit. Pedro, où était-il ? Le retrouver. Vite. Un grommellement suivi de quelques jurons
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