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Le héron de Guernica

Le héron de Guernica

Titel: Le héron de Guernica
Autoren: Antoine Choplin
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en s’écartant doucement du comptoir.
    Il déposa sa valise au vestiaire comme elle avait dit, mais garda sous le bras son carton à dessins.
    Puis, sans prendre le temps même d’un regard à la volée sur le foisonnement des installations du rez-de-chaussée, il emprunta les escaliers et se dirigea, trottinant presque, vers la salle réservée à Guernica.

LE BAL

Basilio franchit le pont de Renteria, puis la voie de chemin de fer. Il s’engage sur les petits pavés de la Calle Don Tello.
    Il vient de parcourir plus de cinq kilomètres depuis la ferme, avec le cochon récalcitrant au bout de la corde et le gros sac de haricots sur l’épaule.
    Il s’arrête une fois encore pour souffler un peu. Pose le sac, s’éponge le front d’un revers de manche.
    Allez mon vieux, on y est presque, il dit à l’attention du cochon qui en tirant sur la corde, continue à décrire de petites trajectoires nerveuses et désordonnées.
    Maria ! Maria ! appelle-t-il dès qu’il a dépassé le porche.
    Il accroche la corde à un anneau métallique scellé dans le mur de la cour.
    Maria !
    Maria apparaît. Elle est en blouse de travail, visiblement sur le point de partir.
    Que se passe-t-il ?
    Regarde ça Maria, fait Basilio en désignant le cochon qui continue à s’agiter en tous sens.
    Maria l’interroge du regard.
    C’est le vieux Julian qui me l’a donné pour mon travail là-bas, à la ferme.
    Il fixe Maria avec un sourire plein de fierté.
    Et c’est pas tout. Il m’a donné ça aussi, et il montre le sac de haricots.
    Eh bien ! fait Maria. Je suis contente pour toi, Basilio.
    Ils restent un instant silencieux.
    Et alors quoi, tu vas les vendre au marché demain, elle demande.
    Oui. J’en tirerai un bon prix.
    Bien, dit Maria.
    Vraiment un bon prix, répète Basilio.
    Un temps.
    Et moi, tu sais ce que je ferais à ta place, dit Maria.
    Dis.
    J’irais montrer ça à ton oncle Augusto. Le cochon et aussi le sac de haricots. Ça lui fera plaisir.
    Tu crois ?
    Sûre.
    Mais c’est dimanche et j’aimerais aussi aller au bal de la Place.
    Tu pourras faire les deux. Il n’est encore que deux heures. Mais d’abord, tu devrais aller te débarbouiller, on dirait que tu as eu bien chaud. Moi j’ai du travail au couvent. Il y a eu une attaque aérienne ce matin, vers Marquina.
    Elle tapote affectueusement l’épaule de Basilio avant de s’éloigner.
    Maria est infirmière et tous ces temps, elle travaille au couvent des Carmélites qui a été réquisitionné comme hôpital militaire. Il lui arrive d’y passer plusieurs jours d’affilée, nuits comprises, et ces fois-là, quand elle rentre, elle reste longtemps sans parler et Basilio lui trouve la peau du visage toute grise et les yeux très enfoncés dans les orbites.
    Lui, Basilio, il habite chez elle, une chambre assez spacieuse et plutôt bien éclairée dans laquelle il aime dessiner et peindre, ou simplement rêvasser. Il verse un loyer chaque mois, et quand il n’a pas de quoi payer, c’est l’oncle Augusto qui doit s’en charger et ça ne se passe pas sans mal. Pour la nourriture, il se débrouille comme il peut, surtout avec les produits de la ferme du vieux Julian, là où il donne la main presque chaque jour.
    Basilio s’approche du puits de la cour. Il enlève sa chemise, puis remonte un seau plein d’eau, s’asperge la poitrine et le visage.
    Après il fait quelques pas vers le cochon, le seau à la main.
    Allez, viens là, mon pépère.
    Et en riant, il renverse sur lui le reste de l’eau.
    Depuis sa mauvaise chute du début de l’hiver, Augusto Ellere est pensionnaire de la résidence Calzada. Il y séjourne en compagnie d’une vingtaine de vieillards malades ou impotents, ce qui a pour effet de le mettre en rogne.
    Dis-moi un peu, répète-t-il souvent à Basilio, ce que je peux bien foutre ici, au beau milieu de cette satanée cour des miracles !
    Basilio se dit qu’en vérité, Augusto aurait bien du mal à se débrouiller par lui-même, vu qu’il ne réussit même pas à se lever tout seul de son lit.
    En pénétrant dans l’immeuble, Basilio resserre l’étreinte de la corde sur le cochon. Il parcourt ainsi le grand couloir du rez-de-chaussée, dans une quasi-obscurité, avec l’animal dans les jambes et qui à plusieurs reprises, manque de le faire trébucher. Heureusement, il ne croise personne. Il se félicite d’avoir renoncé à emporter le sac de haricots. Il n’a fait qu’en mettre une poignée dans sa poche,
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