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Le héron de Guernica

Le héron de Guernica

Titel: Le héron de Guernica
Autoren: Antoine Choplin
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histoire de les montrer à Augusto.
    Il frappe à sa porte.
    C’est qui ?
    C’est moi, Basilio.
    Entre.
    Basilio entrouvre la porte et reste immobile à l’entrée, avec le cliquetis des pattes du cochon sur le sol dallé.
    Entre, je te dis.
    Augusto est assis à sa table, le buste incliné au-dessus d’un jeu d’échecs qu’il ne quitte pas des yeux.
    C’est que, vu ce que j’amène avec moi, je préfère rester là où je suis, dit Basilio.
    Qu’est-ce que tu racontes, marmonne Augusto en se retournant vers Basilio et le cochon.
    Voilà, c’est ça que je te raconte, mon oncle, fait Basilio en souriant.
    Qu’est-ce que c’est que cette couillonnade, s’exclame Augusto.
    C’est pas une couillonnade, dit Basilio. C’est le vieux Julian qui m’a donné ça ce matin, pour mon travail à la ferme.
    Augusto, les yeux tout ronds.
    Et ça non plus, c’est pas une couillonnade, continue Basilio en fouillant dans sa poche et en y attrapant une bonne poignée de haricots qu’il présente à Augusto. Il m’en a donné un sac entier.
    La moue au visage d’Augusto dont le regard passe plusieurs fois des haricots au cochon.
    Basilio parle de vendre tout ça au marché du lendemain, et d’en tirer un bon prix.
    Faudra voir, grommelle Augusto en se remettant à sa partie d’échecs. En attendant, fais attention à ce que ton cochon me foute pas de la merde partout.
    Je vais pas rester, de toute façon. Je suis juste venu pour te montrer un peu.
    Tu peux rester, si tu veux. C’est pas ce que je voulais dire.
    Un temps.
    T’as qu’à l’attacher bien court dans le couloir et puis fermer la porte.
    Basilio fait ce que lui dit Augusto. Après, il s’approche un peu de la table, s’adosse au mur.
    Et la jambe, ça va comment aujourd’hui ? il demande.
    Augusto ne répond rien. Il semble avoir oublié la présence de Basilio. Il se concentre sur le jeu, exécute quelques mouvements de pièces sur l’échiquier, réévalue la position.
    Alors comme ça, il dit soudain, même ce vieux grigou de Julian se met à payer ses gens. Si je m’attendais.
    Il bouge une tour, hésite, la remet à sa place initiale.
    Et sortir le fou en g5, propose Basilio.
    Oui, oui, dit Augusto. Laisse faire. De toute façon, j’y avais déjà pensé.
    Tous les deux étudient l’échiquier.
    Enfin, en tout cas, reprend Augusto, c’est sûr que je préfère te voir comme ça, avec ton cochon, si tu vois ce que je veux dire.
    Un temps. Augusto met le fou en g 5.
    Parce que quand je pense à ce lieutenant et à sa troupe de bons à rien qu’ont même pas voulu te prendre avec eux. Merde alors. Je sais vraiment pas comment t’as fait ton compte. Tu leur as dit pourtant que t’étais prêt à te battre, hein que tu leur as dit.
    Oui, fait Basilio. Je leur ai dit. Que j’étais prêt à défendre la ville, si jamais. Et aussi que j’emmerdais les nationalistes.
    Voilà, et malgré ça, ils ont pas voulu de toi. Tu te rends compte.
    Il n’y a qu’une seule défense possible, dit Basilio.
    Quoi ?
    Il n’y a qu’une défense pour les noirs. C’est cavalier f 4. Si tu prends le fou, cavalier b 2 gagne la dame.
    Augusto hoche la tête. Après un moment, il joue cavalier f 4.
    Moi, ce que je crois, c’est qu’à ce rythme-là, on va être obligé de quitter Guernica pour Bilbao avant la fin de la semaine. Voilà ce que je crois.
    Augusto se désintéresse soudain du jeu, fait glisser sa chaise au sol en prenant appui sur la table, s’approche de la fenêtre. Il en ouvre les deux battants.
    Un peu d’air, il dit. Tu sens ça, Basilio ?
    Basilio fait deux ou trois pas pour se tenir presque contre le dos d’Augusto.
    C’est le vent du nord. Ça nous arrive tout droit de la mer. Ça va nous ramener les mouettes.
    C’est Rafaël qui va être content, dit Basilio.
    Le petit à Julian ?
    Oui. Je le vois souvent vers le pont en train de chasser les mouettes. Après, il les plume et il arrive bien à les vendre. Augusto se retourne avec peine vers Basilio.
    Tu sais, ce bon air, ça me donne envie de sortir de ce trou. Tiens, regarde un peu ça.
    Il entreprend de se lever de sa chaise. En grimaçant, il se met lentement debout, une main en appui sur le mur.
    T’as vu ça, mon garçon. Et attends encore une minute.
    Il lâche le mur, fait quelques pas en direction de la porte.
    Et alors, il dit.
    Tu as fait de drôles de progrès, dit Basilio.
    Il ouvre la porte, passe la tête dans le couloir.
    Et toi mon cochon, prends garde
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