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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu
Autoren: Pierre Naudin
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faim-valle plus brûlante et pernicieuse qu’une mauvaise fièvre et la déconvenue de ne savoir comment s’y prendre : la douceur ou la rudesse ?
    — Eh, chuchota Margot, tandis qu’il hésitait encore, c’est pas en restant debout comme les saints des portails qu’on pourra se galer [15] et même se régaler !
    — Éteins ta chandelle.
    — Vous alors, les grands, vous avez des façons…
    — Qu’importe ce qu’elles sont ! Ne comprends-tu pas que tu ressembles à Anne ?
    — Anne ! Anne !… Toujours Anne !… Laisse-la où elle est !
    Ogier perçut, dans cette injonction triomphante une jalousie haineuse, irréductible, ancienne. Il renonça à se déshabiller :
    « Tu veux jouir de moi, ma belle gaupe ? Soit… Mais je vais te râper la peau de telle sorte que tu t’en souviendras ! »
    Des spasmes le secouaient. Honte de lui-même et désir aigre d ’elle. Il respirait malaisément. Il sentait sa gorge se durcir et s’assécher au point que déglutir lui faisait mal. Et comme il ne bougeait toujours pas, Margot souffla la chandelle :
    — Là !… Te voilà content ?
    Il entendit un froissement et sut qu’elle était nue.
    Il sentit qu’elle s’approchait : la même odeur qu’Anne – quelque chose de laiteux, de poivré, d’inconciliable comme l’églantine et ses piquants.
    Elle était dans son dos. Passant ses bras sous les siens, elle le ceintura, écrasant sa poitrine contre ses mailles. Il sentit son nez frais sur son cou.
    — Décide-toi… Tu trembles… Je te fais peur ?
    Lors de l’amour, et même en ses commençailles, Anne était muette. Margot semblait avoir plus de loquèle que de sensualité.
    — Que crains-tu ? Plus d’époux… Gilles est roide, mais lui de tous ses membres… encore qu’il doive être mou du cinquième !
    Comme ses mains s’égaraient hardiment, Ogier lui fit brusquement face et elle eut peur :
    — Ne t’enfelonne pas !… Ne me bats pas !
    Il ne voyait que les lueurs de ses yeux. Il la caressa aux épaules, contourna ses hanches, ses seins. Non, Anne était absente d’elle. Il devait s’en convaincre.
    Margot fit un pas en arrière.
    — Alors, tu viens ?
    Elle atermoyait donc, elle aussi ?
    Elle passa près de l’âtre où rougeoyaient des braises et il l’aperçut : des jambes gainées de pourpre, longues, soyeuses ; elles se perdaient dans une obscurité composée de chair et de nuit.
    Et brusquement, en même temps que la chandelle rallumée au foyer dissipait les ténèbres, il vit Margot d’autant mieux qu’elle promenait la flamme devant elle afin qu’il découvrît ses attraits.
    Elle s’attarda sur son ventre :
    — Tu vois un peu, si je faisais cramer ce petit chaume-là ?… Comment l’éteindrais-tu ?
    Bien qu’elle fût noyée dans un halo d’or et d’ombre, il se gorgeait de cette féminité sans voile, tellement nette, çà et là, sous la langue vibrante de la flamme !… Ces seins lourds mais nullement affaissés ; la broussaille des goussets ; l’écu ombreux sous l’écorchure du nombril… Les cuisses larges…
    Il ne pouvait se détourner de cette créature. Elle était Anne sans l’être, Anne vieillie. Et réfuter cet appel impérieux de la chair eût été de l’absurdité.
    — Approche, damoiseau.
    Une voix tout à coup molle, et d’autant plus persuasive… Une fille simple et point trop vulgaire, que Gilles prenait sans doute sans se prodiguer en tendres simagrées. Et c’était pourquoi elle les cherchait ailleurs. Mais les trouvait-elle ?
    Elle se laissa choir sur le lit, s’allongea, souffla la chandelle.
    — Viens… Je ne suis pas présomptueuse, mais crois-moi, tu ne le regretteras pas !
    Elle sentit qu’il approchait, la dominait ; et soudain, elle l’attrapa :
    — Parole, avec une lance pareille, nous allons jouter comme il faut !
    Il s’abattit si violemment sur elle qu’elle gémit. Son haubert, ses chausses, ses braies s’ouvraient sur le devant, aussi sans s’égarer en vaines fanfeluces trouva-t-il aussitôt son gîte.
    — Ah ! Ogier, si tu savais comme j’ai voulu…
    Elle le prit par le cou, chercha sa bouche, et comme elle la trouvait, elle eut un gros soupir.
    — Vas-y, mon beau gars, chuchota-t-elle. Mais surtout contiens-toi vers la fin… Ne fais pas un second bâtard à la famille.
    Il s’arracha d’elle si farouchement qu’elle cria. Cri fugitif, à la fois plainte et regret : une affamée à qui il eût tiré
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