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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu
Autoren: Pierre Naudin
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senti en confiance ; et le Goddon, d’emblée, s’était livré, lui révélant maintes choses inconnues concernant cette guerre qu’il considérait comme une querelle familiale. Quelle aisance dans cette démonstration ! Quelle créance en un avenir brillant pour l’Angleterre !
    — Messire Ogier, si ce Canole revient nous ramposner [4] sous nos murs, je le percerai d’un carreau !
    — S’il revient, Thierry, je crains qu’il ne soit pas seul et que tu n’aies de la peine à l’atteindre.
    Mélancolique et las de regarder au-delà des créneaux, saluant Girard puis Perrine qui sans doute allait rejoindre Thierry, Ogier continua sa ronde.
    « Pas vu Tancrède et Claresme. Elles ont à peine mangé à midi, puis s’en sont allées dans leur chambre. Elles ont peur. Nous avons tous peur. Nous avions pensé qu’ils se jetteraient sur nous sans barguigner, or, seuls leurs cris de joie nous atteignent. Ils veulent éprouver nos nerfs. »
    Les guetteurs le saluaient, souriaient. Les jouvenceaux – en minorité – semblaient les plus attentifs à scruter l’obscurité naissante. Le fils de Gilles et de Margot veillait seul, tête nue, entre deux merlons proches des latrines, à mi-chemin entre la Mathilde et les tours portières.
    — À couvert, Gauthier ! Ne sais-tu pas que cette engeance a les meilleurs archers du monde ?
    Redescendant vers les écuries. Ogier s’étonna de l’agressivité avec laquelle il avait donné son conseil. Mais quoi ? Désormais, seule la rudesse avait cours.
    Sinuant à travers les groupes d’hommes prêts à combattre et qui passaient le temps à jouer aux dés, aux billes, aux jonchets, il se dirigea vers la forge, ouverte, et retentissante du vacarme qu’y menaient les armuriers.
    — Tiens, vous êtes là !
    — Faut bien, messire… Et je dirai même qu’on n’est pas assez nombreux.
    Gilles Champartel tournait la manivelle de la meule, face à Laurent Massoutier occupé à l’aiguisage de fers de flèches. Plutôt que d’effectuer cet ouvrage dans un recoin obscur, ils auraient pu sortir la meule et l’accomplir sur le seuil de la forge ; mais non. Ces murs couverts de suie et résonnant de tintamarres inhabituels, Gilles les estimait siens. Pendant quelques jours, il n’y régnerait plus en maître. Il devait détester les Tolédans, et par tous les moyens leur imposer sa présence. Par malice, il avait couvert son fourneau de fasin [5] , signifiant ainsi aux Espagnols sa volonté qu’ils n’y touchassent point. Ogier se saisit d’un tisonnier et en trois mouvements dégagea l’âtre où pétillaient quelques braises.
    — Messire, il nous faut ménager le charbon !
    Ogier ignora le mari de Margot :
    — Disposez-vous de tout ce qu’il vous faut, messires les armuriers ?… Ces flambeaux que je vois là, vous éclairent-ils suffisamment ?
    — Tout est bien, dit Pedro del Valle.
    Et après une hésitation :
    — L’espatage, comme on dit chez vous [6] , va nous coûter du temps et de la sueur, mais nous tiendrons notre promesse.
    « Pourvu que j’aie de quoi payer ! » songea Ogier.
    — N’ayez crainte de rien, le rassura del Valle.
    Le corps enveloppé d’un tablier de cuir, il aidait José Blasco à maintenir contre l’enclume une plaque de fer sur laquelle figurait, à la craie, ce qui devait être un plastron. Un burin dans une main, une massette dans l’autre, Juan Martinez la découpait à grands coups furieux.
    — La seule façon de rendre supportable l’attente où nous sommes…
    Del Valle s’interrompit, car une trompe sonnait, puis une autre. Quand vint le silence, la voix de Jean du Taillis tomba du donjon, criarde, exigeante :
    — À l’arme ! À l’arme !… Il en vient de toutes parts !
    Devançant Gilles et Massoutier, Ogier se précipita au-dehors. Traversant la cour au pas de course, sans souci d’y bousculer les hommes que les sergents stimulaient, il accéda, par un des escaliers découverts, au chemin de ronde.
    Guillaume et Blanquefort semblaient l’attendre.
    — Content de voir que tu es le plus prompt, bougonna le baron.
    Puis, imitant son sénéchal, il encouragea du geste et de la voix tous les besogneux prêts à se battre et qui, un à un, surgissaient devant eux.
    — Hâtez-vous ! Hâtez-vous !… Mais vous affolez pas !
    — Ménagez vos carreaux et vos sagettes… Attendez nos commandements !… Girard, Norbert, Paul, occupez-vous-en… Toi, mon neveu, surveille la
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