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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu
Autoren: Pierre Naudin
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parler. Ne plus répondre. Demi-baissés, ils tournaient alternativement l’un autour de l’autre, se menaçant de la pointe ou du tranchant, sans frapper. Ils grognaient, s’observaient et surveillaient l’arme adverse, le bassinet, les pieds, attendant l’un et l’autre le taillant, l’estocade, la flancarde qui relancerait le combat. Ogier se défiait d’une riposte aussi sauvage et gesticulante que son coup avait été prompt et précis.
    Briatexte tenait fermement sa Gloriande à deux mains. Malgré le sang qui maculait sa cubitière, il semblait à son aise. Parfaitement. Était-ce une simulation ? Comment connaître la vérité ? En multipliant les coups ?
    « Attends plutôt qu’il te les donne. »
    — Ta vaillance est vaine, damoiseau !… Ce soir je coucherai dans ce maudit château… Je vais t’occire ! Tu me répugnes encore plus maintenant que tu m’as navré… Or çà, blanc-bec (la voix recouvrait son arrogance), t’es-tu imaginé qu’il te suffisait d’un coup chanceux pour avoir le dessus ?
    Gloriande frappa Confiance avec une telle fureur que le garçon en eut les mains engourdies. Déséquilibré, il fit un pas en arrière, glissa sur le roc affleurant le sol, mais rétablit son équilibre.
    — Ah ! ragea Briatexte.
    L’espace d’un battement de cœur, le damoiseau imagina, sous son fer, le visage de cet homme que le dépit devait enlaidir : vultueux, suant, et les yeux exorbités. Il entendit la grande rumeur des routiers, le ronflement des tambours, le grésillement des grelots que les filles faillies secouaient en piaillant, tout cela comme aggloméré aux encouragements et aux jurons et menaces qu’ils échangeaient.
    — Mollissez pas, compères ! hurla-t-il.
    — On mollit pas, Ogier. Mais ces tortues sont dures !
    — Tu l’as dit !
    Blanquefort… Il devait mener hardiment son combat. De son côté, Jean s’esclaffait parfois, répondait par des ricanements aux incompréhensibles insultes, frappait à grands ahans sur l’épée massive et taillait la corne de la carapace.
    Ogier comprenait peu à peu que l’abandon de son bouclier constituait, à l’encontre de ce qu’avait souhaité son adversaire, un avantage supplémentaire sur celui-ci. Tenue à deux mains, Confiance lui paraissait légère : il gagnait en célérité ce qu’il avait abandonné en protection. Certes, le malandrin demeurait redoutable, mais la douleur fichée dans son coude continuerait de s’aggraver jusqu’à rendre impossible l’usage du membre blessé.
    — Ah ! enragea Briatexte, je renie Dieu qui m’est contraire !
    — Puisqu’il en est ainsi, je ne t’estime pas plus qu’un renard enragé… Quant à moi, la terre et l’herbe que tu foules indûment me viendront en aide… Et le Dieu de Gloire aussi !
    Passant promptement sous les bras levés de son rival, Ogier détourna son arme en la glissant si haut qu’il heurta l’écusson de sa garde, puis, narquois, recula.
    « Redouble ce coup, Argouges ! Redouble-le ! »
    Il para une furieuse estocade et en fournit une tout aussi fulgurante à Briatexte, dont la lame, en retour, s’abattit sur lui, éblouissante et terrible, frôlant son épaule.
    Alors, comme Blanquefort le lui avait appris, il visa, sous les gantelets, la croix de l’arme ennemie.
    « Elle tombe, vas-y ! »
    Gloriande vibra sous la violence du choc, et si son acier tint bon, elle vola, arrachée aux mains qui la serraient.
    — Alors, messire Briatexte ?
    — Ah !
    L’homme s’était figé, le bassinet baissé, humilié par sa déconfiture et les cris haineux qu’elle provoquait chez ses compagnons.
    — Tue-moi !… Tue-moi sans hésiter !… Tu pourrais regretter de t’en être abstenu.
    Ébahi par cette victoire, Ogier, méfiant, posa un pied sur l’épée du vaincu.
    — Vous occire ? À quoi bon !… Je ne suis pas de votre sanglante espèce ! Et tel que je vous connais, vous survivrez fort bien à cet affront… Vous vous trouvez enfin à ma merci ! Hors d’état de nuire ! Résignez-vous et soyez assuré qu’en cas de récidive, je vous tuerai sans remords ni manières.
    La pointe de Confiance toucha la cuirasse noire.
    — Reculez ! Allons, hâtez-vous… Je veux voir comment mes compagnons se comportent et leur prêter secours, au besoin.
    Il tournait le dos à Jean et à Blanquefort. Il savait que Knolles l’observait ainsi que son otage. Immobile à quelques pas de ses fidèles, Guillaume
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