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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut
Autoren: Juliette Benzoni
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et mange !
    — Où est ma mère ? Déjà couchée ?
    — Non. À l’Église. Il y a Adoration Perpétuelle. Ta mère y passera la nuit.
    — La nuit ? N’est-ce pas beaucoup ?
    La vieille servante haussa les épaules donnant ainsi la juste mesure de ce qu’elle pensait des exercices religieux excessifs de Marie-Jeanne.
    — Un de ces jours, elle demandera le poste de sacristine pour pouvoir y passer aussi ses jours. Sainte Anne bénie ! Cette femme n’est pas raisonnable.
    Gilles approuva de la tête et attaqua sa soupe avec le bel appétit de son âge. Son sauvetage et sa course à travers la lande l’avaient affamé. Et bien qu’il eût envie de continuer à poser des questions, il se tut car il n’était pas d’usage qu’un homme parlât en mangeant. Ce fut seulement quand il eut achevé son repas qu’il releva sur Rozenn, demeurée debout à son côté, un regard brillant de curiosité.
    — Ma mère ne sort jamais et ne fréquente personne, dit-il en manière de préambule, mais toi, Rozenn, tu connais tout le pays jusqu’à Hennebont et jusqu’à Port-Louis ?
    — Je n’ai aucune raison de ne pas être polie, bougonna-t-elle déjà sur la défensive. Quand on me parle, je réponds ! Ça signifie quoi, ta question ?
    — Pas grand-chose ! Je voudrais seulement savoir si tu connais une famille de Saint-Mélaine ?
    Les sourcils gris se rejoignirent sous leur petit toit amidonné.
    — Mais… au fait, ajouta-t-elle, d’un ton soupçonneux, pourquoi est-ce que tu me parles de ces gens-là ?
    — Oh !… pour rien ! fit Gilles en se levant pour éviter une trop longue explication. En revenant le long du parc de Locguénolé, j’ai rencontré une jeune fille qui m’a dit s’appeler ainsi et séjourner au château. Mais c’est sans importance…
    Et, pour se donner une contenance, il quitta la maison en annonçant qu’il allait voir si les poules étaient bien enfermées « parce qu’on avait signalé un renard dans les environs ». Il était bien certain que Rozenn, dont la curiosité était le péché mignon, n’aurait de cesse d’avoir mené à bien sa petite enquête. Et, tandis qu’il faisait consciencieusement le tour du petit enclos, il entreprit de bâtir une histoire de chute dans un fossé et de cheville tordue qui ménagerait à la fois son amour-propre et la pudeur de Judith.
    Son espoir ne fut pas déçu. Rozenn s’entendait comme personne à poser, sans avoir l’air d’y toucher, les questions les plus précises. Elle eût fait un confesseur hors concours car non seulement aucune commère, à dix lieues à la ronde, n’était capable de lui résister mais elle savait aussi faire parler les plus coriaces des vieux pêcheurs, ceux dont les bouches édentées ne desserraient leurs pipes que pour laisser passer les réconfortantes rasades de cidre ou d’eau-de-vie.
    — Elle serait capable de confesser notre évêque en personne… ou encore mon bedeau ! avait coutume de dire l’abbé Vincent, parrain de Gilles, qui connaissait la vieille femme depuis sa naissance. Quand j’étais enfant, elle faisait parler jusqu’aux braconniers du Leslé, leur prenait une partie de leur butin et les renvoyait avec le reste, plus un sermon et une fiole d’eau-de-vie.
    Grâce à elle, donc, Gilles sut bien vite tout ce qu’il désirait savoir.
    Orpheline de mère depuis quelques mois, Judith de Saint-Mélaine venait d’être admise comme pensionnaire à Hennebont au couvent de Notre-Dame-de-la-Joie où Mme Clothilde de La Bourdonnaye, abbesse, et ses Bernardines se chargeaient de l’éducation des filles nobles et peu fortunées pour en faire la plupart du temps des religieuses. Son père, vieux gentilhomme à peu près ruiné, avait dû quitter le petit domaine du Fresne, près de Ploermel, qui avait été la dot de sa femme et leur seule fortune, pour s’établir à Hennebont, dans un vieil hôtel lézardé de la Ville-Close qu’un cousin oublié venait de lui léguer.
    Le baron et sa fille étaient donc venus habiter l’étroite et sombre maison du cousin défunt et, grâce à la protection des La Bourdonnaye dont les terres avoisinaient le Fresne, grâce aussi à celle de sa marraine la comtesse de Perrien, Judith avait été admise à Notre-Dame-de-la-Joie pour y entamer une éducation entièrement négligée jusqu’à présent car, entre une mère toujours malade et deux frères à peu près sauvages, elle avait poussé aussi naturellement qu’une
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