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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut
Autoren: Juliette Benzoni
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Talhouët et Marie-Jeanne au Leslé cela avait été le drame : la future nonne était enceinte ! Avec le visage d’une morte et des yeux sans larmes, elle avait avoué elle-même son état à la Comtesse mais il avait été parfaitement impossible de lui tirer un mot sur les circonstances de ce malheur et sur le nom du coupable. Enfermée dans un silence farouche, cette enfant de seize ans avait refusé à la fois la dénonciation et la pitié : ce qu’elle attendait de sa bienfaitrice, c’était plus une sentence qu’une aide.
    Et les Talhouët, qui, pourvus de quatre enfants, recevaient beaucoup et beaucoup de jeunesse en avaient été réduits aux conjectures car jamais personne n’avait remarqué une attirance quelconque entre Marie-Jeanne et l’un ou l’autre des hôtes du château.
    L’hiver qui suivit, Marie-Jeanne ne rentra pas à Quimperlé. Elle resta cachée au Leslé sous la garde de Rozenn Tanguy, la femme de charge du château et au mois de mai 1764, Gilles venait au monde. Mais, malgré l’abri de ses forêts et de ses étangs, le Leslé n’était pas assez à l’écart encore pour qu’aucun bruit n’en transpirât… et quinze jours après la naissance clandestine, on trouvait Ronan Goëlo, l’ancien chirurgien de marine pendu à la maîtresse poutre de sa maison au-dessus d’une collection de bouteilles de rhum vides.
    Comprenant alors qu’il allait falloir compter avec les ragots et la calomnie, que Marie-Jeanne et son bébé ne seraient peut-être pas longtemps en sûreté sur ses terres, Mme de Talhouët avait entrepris de leur chercher un refuge. Justement son fils cadet, l’abbé Vincent qui avait tenu à être parrain de l’enfant et qui avait été renvoyé dans ses foyers après la dispersion des Jésuites, venait d’être nommé recteur de la ville d’Hennebont, voisine. Ce fut lui qui se chargea de la mère et de l’enfant. En compagnie de Rozenn, qui s’était passionnément attachée au bébé, ils partirent pour Hennebont et s’installèrent dans une petite maison près des remparts.
    Mais Marie-Jeanne aspirait à plus de silence et de solitude encore. Au fond de ce cœur muet, le regret du cloître était plus vivace que jamais. Les bruits de la ville et du port lui faisaient horreur. Aussi, avec le petit héritage qu’elle avait eu de son père, acheta-t-elle près de Kervignac, un village de la lande, une maison et un jardin abrités derrière d’épais buissons d’ajoncs et d’épine noire. Puis, elle s’y enferma, avec Rozenn et le bébé pour y mener une vie d’austérité dans laquelle la prière tenait la plus grande place.
    Auprès de cette mère indifférente qu’il n’avait jamais vue sourire, le petit garçon grandit en solitaire. Il apprit à jouer sans bruit pour ne pas gêner les méditations de la nonne manquée. Dans les rares occasions où elle lui adressait la parole, c’était pour lui parler de Dieu, de la Vierge et des saints, pour lui apprendre des prières et tenter de lui inspirer le dégoût de la terre. Et, pour mieux l’en convaincre, elle lui apprit, très tôt, qu’il n’était pas un enfant comme les autres mais une sorte de réprouvé qui ne trouverait le salut et la paix du cœur qu’au sein de l’Église.
    — Les gens du siècle te repousseront comme un objet d’horreur, disait-elle. Dieu seul t’ouvrira les bras…
    Malgré les remontrances de l’abbé de Talhouët, malgré les larmes de Rozenn qui ne pouvait supporter de voir souffrir « son petiot » Marie-Jeanne Goëlo, semaine après semaine, mois après mois, année après année, tenta d’implanter dans la tête de son fils l’idée qu’il ne pourrait être dans la vie que prêtre ou maudit. À moins qu’il ne choisît les voies du démon qui n’avaient d’autre aboutissement que l’échafaud…
    Elle ne réussit qu’à moitié. L’enfant avait des yeux pour voir et ce monde qu’on lui disait mauvais, dangereux, pourri, il ne parvenait pas à le trouver repoussant. Il y avait toute la beauté de la campagne au printemps, il y avait la mer, le vent, les nuits étoilées, l’odeur de la terre sous le soleil, le chant des oiseaux, les arbres et tous les animaux qui peuplaient son univers enfantin de petit paysan. Il y avait les chevaux, ces bêtes immenses et superbes qu’il adorait d’instinct comme des créatures fabuleuses. Il y avait aussi les chansons de Rozenn et l’infinité des contes merveilleux de la vieille Bretagne dont elle
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