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Le Druidisme

Le Druidisme

Titel: Le Druidisme
Autoren: Jean Markale
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au rang de magiciens
de seconde zone, cela au profit des fili qui
ont trouvé – ou gardé – leur place au sein de la société celto-chrétienne. Il
est donc impossible de découvrir, comme le veulent certains exégètes pourtant
remplis de bonnes intentions, une quelconque mention des druides dans un récit
ou un chant de la tradition populaire, notamment en Bretagne armoricaine [5] .
Une telle tentative relève du délire celtomaniaque le plus pur.
    Cela dit, il n’est pas interdit de se poser des questions au
sujet de la signification du mot « druide ». Depuis plusieurs
siècles, on a adopté, sans réfléchir, l’étymologie qu’en donne Pline l’Ancien ( Histoire Naturelle , XVI, 249) dans un passage
célèbre où il parle de la vénération des druides pour le gui et l’arbre qui le
porte, c’est-à-dire le chêne. Et Pline ajoute : « Ils n’accompliront
aucun rite sans la présence d’une branche de cet arbre si bien qu’il semble
possible que les druides tirent leur nom du grec. » On en a conclu que le
mot druide provenait du grec drus ,
« chêne », et cette explication, qui a la vie dure, se retrouve
encore dans certains ouvrages sérieux de notre siècle.
    Il s’agit d’une étymologie analogique, bâtie sur une simple
ressemblance et consolidée par le rôle effectif du chêne dans la religion
druidique. Les auteurs grecs et latins ont fait grand usage de ce genre
d’étymologie, les auteurs du Moyen Âge également. Quant aux innombrables
étymologies populaires, elles sont toutes du même ordre, et parfois elles font
même un rapport subtil que la linguistique pure tend à éliminer. La Kabbale
phonétique est une réalité, et il faut toujours se méfier de ce qui se cache
derrière un raisonnement en apparence aberrant. Mais en l’occurrence, le
rapport entre le mot druide et le grec drus est inexistant [6] .
D’ailleurs, pourquoi le nom des druides gaulois proviendrait-il d’un mot
grec ? En toute logique, il devrait être d’origine celtique. Or
« chêne » se dit dervo en gaulois
(c’est un des rares mots gaulois dont nous sommes sûrs), daur en gaélique, derw en gallois, derv (collectif, dervenn au singulatif, deru en vannetais) en breton armoricain. Il est bien difficile d’accrocher à ces
mots le terme « druide » sous ses diverses formes.
    De plus, le texte de Pline est assez confus. Le Naturaliste
ne dit pas expressément que l’origine est le mot grec drus  : les druides tirent leur nom du grec,
c’est tout. Ce sont les commentateurs ultérieurs qui ont en fait décidé de
cette étymologie, et nous allons voir que, dans le fond, et contrairement à ce
qu’on pense, Pline l’Ancien n’est pas très loin de la vérité.
    En effet, si l’on se réfère à la forme donnée par César, druides , laquelle suppose un singulier druis au nominatif, et aussi à la forme irlandaise druid , le mot ne peut que remonter à un ancien
celtique druwides qui peut se décomposer
facilement en dru- , préfixe augmentatif à sens
superlatif (que l’on retrouve dans l’adjectif français « dru »), et
en wid , terme apparenté à la racine
indo-européenne du latin videre ,
« voir », et du grec idein ,
également « voir » et « savoir ». Le sens est donc parfaitement
clair : les druides sont les très voyants ou les très savants , ce qui paraît conforme
avec les diverses fonctions qui leur sont dévolues.
    Or, les célèbres scholies qui se trouvent dans le manuscrit
de la Pharsale de Lucain, scholies fort précieuses parce qu’elles nous donnent d’utiles
renseignements sur les Gaulois et leurs coutumes, fournissent à ce sujet une
indication qui corrobore Pline : les druides « sont nommés d’après
les arbres parce qu’ils habitent des forêts reculées » [7] .
On notera que le passage de la Pharsale sur
lequel s’exerce le talent du scholiaste est celui qui concerne une grande forêt,
près de Marseille, où les druides officient en plein air dans des sanctuaires
qui sont des nemeton , c’est-à-dire des
clairières sacrées. On remarquera aussi qu’il n’est pas question de chêne, mais
d’arbres, en général. Et c’est ce que dit en réalité Pline l’Ancien.
    Cela débouche sur une curieuse constatation : dans les
langues celtiques, il existe une indéniable liaison entre le mot qui signifie
science et celui qui signifie arbre, en gaulois vidu (dont la racine donnera koed en gallois et
breton vannetais, koad dans les
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