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Le Dernier mot d'un roi

Le Dernier mot d'un roi

Titel: Le Dernier mot d'un roi
Autoren: Pierre Moustiers
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entourage, d’une lucidité maniaque. Rien ne lui échappe. De son fauteuil ou de son lit, il surveille l’homme bien portant comme un ennemi et refuse le moindre conseil. Sa conduite s’aggrave, cela va de soi, quand il dispose d’un pouvoir souverain. Alors il ne tolère d’autre liberté que la sienne et se comporte en tyran magistral. Les conseillers du roi viennent de l’apprendre à leurs dépens. Devant lui, chacun se tient sur ses gardes et personne ne respire normalement. Quand, à dîner, il écarte un plat de la main et s’enferme dans un silence équivoque, ou bien lorsque, trônant derrière sa table de travail et prêt à dicter un ordre, il s’arrête pour froisser du papier, tout le monde craint d’avoir commis une faute, et cette émotion coupable affecte notamment Rohan, Daillon, Charles et Louis d’Amboise. Le roi ne leur pardonne pas d’avoir, au château des Forges, partagé la même chambre et de s’être concertés, jour et nuit, tous les quatre, sans le consulter. Il les soupçonne d’avoir profité de son inconscience pour aborder ou traiter certaines affaires, en somme d’avoir agi, durant treize jours, comme s’il avait cessé d’exister. Treize jours, oui. Il connaît maintenant le chiffre. Cato le lui a donné après avoir fait mine de réfléchir et de fouiller dans sa mémoire. Louis a voulu savoir ce qui s’était passé exactement à la cure de Saint-Benoît et l’aumônier qui appréhendait la question a choisi de ne pas tricher : « Je n’étais pas là, Sire, mais aux Forges. Sauveterre est venu me chercher. Il a eu la sagesse de ne prévenir que moi. Arrivé sur place, j’ai fait le nécessaire. D’abord, ouvrir la fenêtre et battre l’air vif au-dessus de votre visage que j’ai humecté d’esprit-de-vin, à l’aide d’un linge uni. Ensuite, Sire, il m’a paru urgent d’avoir recours à un clystère émollient. Sitôt fait, la parole vous est revenue. » Louis l’a écouté sans sourciller, puis a remarqué sur un ton anodin : « À Coitier, à Commynes, tu as raconté les choses autrement. » Sans se démonter, Cato a répliqué : « Je n’étais pas tenu de leur dire la vérité. » Cette réponse cavalière n’a pas choqué le souverain. Au contraire. Il a toujours estimé que la vérité ne méritait pas d’être distribuée à tout venant et que le roi seul devait en être le dépositaire. C’est ainsi, selon lui, que l’on maîtrise un peuple et que l’on gouverne un État. Il aurait pu demander à Cato des explications sur le mot :  percussione  cité par Commynes, mais fidèle à sa méthode de ménager les questions, de les fragmenter, de les étaler dans le temps, il a préféré s’en tenir là.
    Il a maintenant des problèmes plus sérieux à régler, d’autres enquêtes à poursuivre dont l’une s’annonce épineuse. Depuis son arrivée au Plessis, on lui montre des lettres parvenues en son « absence », notamment celles, reçues aux Forges, et que personne n’a ouvertes : « On vous a attendu, Sire. » C’est, du moins, ce qu’on souhaite lui faire croire, mais il demeure sceptique pour deux raisons : d’abord, par nature, ensuite et surtout parce que Daillon a parlé étourdiment de certains mandements allégeant la fiscalité, et que Rohan et Louis d’Amboise ont paru gênés avant de se reprendre et d’affirmer ensemble : « Nous n’avons pas donné suite, vous vous en doutez, Sire. » « Bien sûr ! » a répondu le roi, et depuis le doute ne le quitte plus. Il pense qu’on a signé des promesses et qu’on a brûlé des papiers. Sa main droite, déjà agitée de frissons, tremble d’indignation.
    À la fois redoutable et modeste, agressif et charmant, impitoyable et débonnaire, le château du Plessis lui ressemble. Protégés par un fossé, par un mur hérissé de broches et par une grille de fer, ses deux étages de briques sont encore défendus par quatre guérites de métal habitées en permanence par quarante arbalétriers. Cela dit, les briques sont adoucies par des arêtes de pierre blanche et les six fenêtres de façade assez larges et avenantes pour faire oublier les meurtrières du rempart. À l’intérieur, un décor simple réchauffe avec goût, avec gaieté même, les appartements spacieux, confortables et bien éclairés. Louis se tient volontiers dans la grande
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