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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin
Autoren: Jean-François Parot
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main qu'il remit à Nicolas. Un porteur avait livré le premier et le second sortait d'un riche carrosse. Après avoir prié Noblecourt de l'excuser, le commissaire commença à lire. Le vieux magistrat qui s'assoupissait ouvrit les yeux, alerté par un soupir de Nicolas.
    — Mauvaises nouvelles ?
    — Une mauvaise et une bonne.
    — Cela fait une moyenne.
    — L'une ne compensera pas l'autre.
    Le silence s'établit à nouveau, puis Nicolas, comme à regret, se mit à parler.
    — J'ai là un mot d'Antoinette ; elle m'informe de son départ de Paris. Ayant vendu son commerce rue du Bac, elle s'installe à Londres pour y faire négoce de dentelles. Elle a quitté la ville depuis deux jours après être allée embrasser Louis à Juilly…
    Il s'arrêta, la gorge nouée. Tant d'images et de souvenirs remontaient soudain du passé.
    — Elle a préféré ne pas me revoir ; elle me confie Louis.
    L'air grave, Noblecourt se redressa dans son fauteuil.
    — Que s'est-il passé qui explique ce geste inattendu ?
    — Je crois le savoir et suis le seul responsable. En octobre, m'étant rendu à Versailles pour l'enquête, j'ai rencontré La Satin dans la galerie basse du Palais. Elle avait fait affaire et venait quelques jours par semaine y tenir un étal de babioles. Sa présence m'a contrarié ; je n'ai pu dissimuler suffisamment un mouvement d'irritation. De plus, à ce moment, j'ai reconnu lord Aschbury et me suis jeté à sa poursuite… Un concours fâcheux de circonstances.
    — Je pressens le fond de votre pensée. Nicolas. Ce n'est pas pour vous qu'il y avait inconvénient, n'est-ce pas ?
    — Certes non ! J'ai songé à Louis, le dernier des Ranreuil. J'ignore si ma demi-sœur Isabelle est mariée ; si elle aura une descendance… J'ai imaginé soudain, un peu légèrement je l'avoue, Louis, page du roi ou garde du corps, ce que son nom autorise… et sa mère boutiquière dans la galerie.
    Noblecourt réfléchissait, dodelinant de la tête.
    — Mon ami, sans vous absoudre d'un mouvement hâtif que vous avez eu le malheur de laisser paraître, songez que La Satin a parfaitement compris la situation. Il eût été préférable de son côté qu'elle réfléchît et évitât de vous placer dans une situation si délicate. Le mal étant fait, elle a décidé de sacrifier son amour de femme et de mère pour l'avenir de son fils. Vous devinant à demi-mot, elle s'est haussée à une sorte d'héroïsme dont vous devez lui savoir gré. Il ne servirait à rien maintenant d'éprouver des remords. La seule attitude qu'elle puisse attendre de vous, c'est de répondre à son appel muet en menant Louis vers une destinée digne du nom glorieux qu'il portera sans doute un jour. Elle a tranché dans le bon sens. Rappelez-vous qu'elle est encore jeune et vous aussi : votre vie est à construire. Elle a droit à une seconde chance. Cela ne lui aurait été guère aisé en demeurant dans votre ombre, vous qui avez été son amour et sa fidélité.
    — Et Louis ? Que va-t-il penser ? Il m'en voudra.
    — Je suis certain que La Satin n'a pas touché mot de votre rencontre. Les raisons qu'elle aura présentées ne dresseront pas le fils contre le père. Louis est assez mûr pour avoir déjà compris que vos relations avaient cessé. À son âge, il a besoin de vous. Rassurez-le et rassurez-vous. Quant à la bonne nouvelle ?
    — Oh ? un détail : l'amiral d'Arranet me convie à souper à Versailles dans trois jours.
    — Ceci est du dernier bien, profitez de votre âge. Il a, dit-on, une fille charmante.
    Noblecourt ne savait rien, mais se doutait toujours de tout. Nicolas soupira ; le bonheur n'était jamais parfait. Il se faisait payer à bourse ouverte et fort cher. Cette année terrible et douloureuse s'achevait. Le temps glissait comme le sable dans une main toujours ouverte ; il façonnait l'âme en force. Il ferma les yeux et prit une longue inspiration : les grèves de son enfance resurgirent rebattues de vent et d'embruns. Il revit au fond l'horizon fuyant et une pointe nouvelle se profiler. Il allait devoir l'atteindre avant de découvrir la suivante. Le chemin paraissait égal et libre, mais il savait désormais devoir compter avec les courants contraires de la vie. L'avoir compris nourrissait son angoisse et son espérance.

    La Marsa, La Bretesche, Glane, Ivry,
    août 2002-novembre 2003 .
    73 Citation authentique de Lord Stormont en 1774, après le rappel du Parlement.

Remerciements
    Ma
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