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Le commandant d'Auschwitz parle

Le commandant d'Auschwitz parle

Titel: Le commandant d'Auschwitz parle
Autoren: Rudolf Hoess
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pour employer le terme
de Pollak, d’« ajustement », n’excluent d’ailleurs pas des attitudes
héroïques, ou des manifestations de résistance au sens classique du terme. L’ouvrage
en cite quelques-uns, notamment le cas d’Adelaïde Hautval, médecin d’origine
alsacienne, déportée pour avoir porté secours à des familles juives. Elle est
restée dans la mémoire du camp comme le médecin qui a refusé de participer aux
expériences médicales des médecins nazis, malgré la pression de ces derniers.
Peu avant de mourir en 1988, Adelaïde Hautval a écrit son témoignage, publié en
1990, avec une préface d’Anise Postel-Vinay, son amie et compagne de déportation [156] . Il vaut d’autant
plus d’être lu, que son auteur est un témoin oculaire irrécusable du chapitre
encore mal connu et peu travaillé des expériences médicales de Mengele,
Clauberg, Wirths et autres, tous officiant à Auschwitz.
    L’un des intérêts du travail de Michael Pollak – élève
de Pierre Bourdieu – est de dégager la question de la survie dans les
camps des jugements moraux dans lesquels on a tendance à la figer. Les détenus
ne pouvaient pas survivre dans les camps tels qu’ils ont été conçus par Himmler
et ses SS sans peu ou prou se plier à leur loi et y jouer, pour une part, le
rôle qui leur était prescrit. Terence Des Pres, un sociologue américain, avait
dans les années 1970 soutenu contre Bruno Bettelheim que la survie dans le camp
devait plus à la capacité des détenus à se cramponner à l’instinct de vie
égoïste qu’à la fermeté de leurs convictions morales et politiques, lesquelles
pouvaient même dans certains cas, entraver leur travail d’adaptation aux
conditions extrêmes [157] .
Michael Pollak ouvre entre ces deux conceptions opposées une voie médiane et
subtile où la survie physique et morale se joue au travers d’un processus
permanent d’ajustements, par lesquels l’individu compose avec la réalité du
camp, sans abandonner les composantes essentielles de son identité sociale.
Les démons de la mémoire
    Les témoignages des survivants ouvrent, enfin, tout un
ensemble de questions autour du thème de la mémoire de la déportation et du
génocide. C’est sur ce point que la contribution française est la plus consistante.
Annette Wieviorka a suivi les péripéties et les inflexions du cheminement dans
la conscience collective de la mémoire du génocide et de la déportation dans
les décennies qui ont suivi la libération et le retour des déportés [158] . La question de
la mémoire fournit aussi le fil conducteur de la part de son œuvre que l’historien
Pierre Vidal-Naquet a consacrée au génocide perpétré par les nazis. De la
mémoire assassinée par les négationnistes, à la mémoire reconstruite des
savants et jusqu’au Zakhor biblique, souviens-toi , par lequel
histoire et mémoire peuvent enfin se réconcilier, sa réflexion court sur
quelque vingt années [159] .
Sa double identité d’historien de l’Antiquité et de fils de victimes de la
Shoah n’y est sans doute pas étrangère.
    Cependant, il n’y a pas une mémoire, mais des mémoires. Et
celles-ci peuvent entrer en compétition, voire en contradiction, comme c’est le
cas, de façon récurrente, entre les mémoires identitaires des différentes
catégories de victimes. Certaines se sont senties, non sans raison, éclipsées
par le statut des victimes juives du génocide : ainsi des Tziganes, dont
la persécution reste encore pour une part mystérieuse. Un ouvrage de Guenter
Lewy, récemment publié en France, montre un processus d’extermination
entièrement fabriqué par la bureaucratie nazie, sans volonté génocidaire et
sans implication de Hitler [160] .
Si tel est le cas, la conviction de Raul Hilberg quant à l’autonomie de l’administration,
déployant sa capacité propre d’innovation dans les crimes de masse du régime, trouve
ici une vigoureuse confirmation.
    Mais l’éclatement des mémoires concerne des groupes aussi
divers que les témoins de Jéhovah, les malades mentaux, les homosexuels, les
élites polonaises ou les prisonniers de guerre soviétiques… tant les victimes
du nazisme furent nombreuses [161] .
Le problème ici n’est pas tant le kaléidoscope qui en résulte, car il est ancré
dans la réalité historique, que dans l’ébranlement de l’édifice même de la
mémoire, ou plus exactement du mémorial, organisé autour du martyrologe juif.
La
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