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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix
Autoren: David Camus
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et s’approcha
de Kunar Sell.
    — C’est cela que tu veux, Morgennes ? Que je jette
la Vraie Croix en enfer ? Toi non plus, l’Apocalypse ne t’effraie
pas ?
    — Je n’ai pas peur du jugement divin.
    — Entendu, fit Châtillon. S’il ne se passe rien, je
renoncerai à mes projets.
    Il prit la croix tronquée des mains de Kunar Sell, et
s’avança vers le puits de noirceur, qu’il appelait la porte des Enfers. Un
silence étonnant régnait dans la caverne, où tous avaient cessé de respirer.
Wash el-Rafid avait lâché al-Afdal, qui s’était écroulé, inconscient.
    Alors que Châtillon scrutait l’onde à la recherche d’un
signe, d’une ride qui en aurait signalé l’appétit, Simon – que deux
Templiers blancs tenaient par les bras –, n’en pouvant plus,
s’écria :
    — Ce n’est pas la Vraie Croix !
    Morgennes le regarda, furieux. Était-il devenu fou ?
Simon baissa les yeux, n’osant affronter son regard.
    — Que dis-tu là ? hoqueta Châtillon, étonné.
    — Ce n’est pas la Vraie Croix ! Vous ne
réveillerez rien du tout ! ajouta Simon. La Vraie Croix est partie pour
Rome, vous avez échoué !
    — Qu’est-ce qui me prouve que tu dis la vérité ?
    Simon regarda fixement Châtillon dans les yeux, serra les
poings et poursuivit :
    — C’est la croix de Hattin ! Morgennes a voulu
vous duper !
     
    *
     
    Taqi se releva, et repartit vers sa jument. D’après les
traces à terre, Morgennes et Simon étaient allés dans cette salle immense, qu’il
apercevait au bord extrême des torches tenues par ses hommes.
    — Par ici ! s’exclama Taqi.
    Ils avançaient en tenant leur monture par la bride, tant le
terrain était inégal. De nombreuses galeries s’étaient effondrées, et ils
avaient déjà dû faire plusieurs fois demi-tour, contraints de prendre des voies
que Morgennes et Simon n’avaient pas empruntées – ceux-ci ayant dû ramper,
ou le plafond s’étant écroulé après eux. « Seigneur, faites que je les
retrouve ! » priait Taqi en son for intérieur. Mais il avait la
conviction qu’il allait les revoir. Morgennes et lui ne pouvaient se séparer
ainsi.
    Menant sa poignée d’hommes vers la grande salle qu’ils
avaient aperçue devant eux, Taqi fut stupéfait de voir la pyramide de
squelettes qui se dressait au centre. Quelques-uns de ses guerriers échangèrent
à mi-voix des paroles, où il était question d’ogres mages et d’éfrits. Beaucoup
portaient à leurs lèvres la main de Fatima pour la baiser ; mais aucun
n’eut seulement l’idée de fuir. Ils restaient avec leur chef.
    Un éclaireur entré peu avant dans la grande chambre
mortuaire revint auprès de Taqi.
    — Ils sont passés par là, seigneur, cela ne fait aucun
doute. Ces os ont été dérangés récemment, et… à moins qu’ils n’aient bougé tout
seuls, je ne vois pas d’autre solution que…
    Soudain, un crâne pivota sur lui-même, dardant ses orbites
vides sur le soldat du Yazak. Celui-ci eut un geste de recul en même temps que
Taqi, qui avoua :
    — J’ai eu peur, j’ai cru que…
    Mais une voix déjà montait de derrière le crâne. Elle
disait :
    — Maître Taqiiii ! Je suiiiis siii content de
vouuus revoiiir !
    Les hommes du Yazak tressaillirent, dégainèrent leur
cimeterre et s’avancèrent dans la crypte précédés par Taqi.
    — Je connais cette voix, affirma ce dernier.
    Celle-ci reprit de plus belle :
    — Paaaar iciiii !
    Taqi donna un violent coup de pied dans une cage thoracique,
l’envoyant promener. Elle cachait Rufinus, qui s’exclama en le voyant :
    — Enfiiin quelqu’uuuun à qui paaaarleeer !
     
    *
     
    D’un troisième escalier, Sohrawardi surgit avec ses hommes et
siffla :
    — Ne le croyez pas ! Ce garçon ment ! Je le
sens à sa voix. Il ment, il ment ! Il s’agit bien de la Vraie Croix !
    Mais Châtillon refusa d’écouter le sorcier.
    — Je connais ce garçon, expliqua-t-il. Il est incapable
de mentir. Trahir, nous abandonner, nous, ses frères, oui. Mais mentir, non.
Quand bien même le voudrait-il, il ne le pourrait pas… Il a trop peur de finir
en enfer !
    Simon restait tête basse. Il ne savait que faire. Il avait
menti, oui. Et non. En tout cas, ce n’était pas ce qu’ils croyaient. Pour lui,
cela ne faisait aucun doute : ce n’était pas seulement la foi qui faisait
l’authenticité de l’objet, comme le disait Morgennes. C’était Morgennes
lui-même. Quand il s’était
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