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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix
Autoren: David Camus
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sous les
pas de Morgennes comme sous une brise d’automne, dispersant un fin voile de
particules au fur et à mesure de sa progression. Arrivé au sommet, il posa la
main sur l’épaule de la jeune femme, et un râle sortit du hijab.
    Une Mahométane ? Que faisait-elle ici ?
    — Vous allez bien ?
    Morgennes se demandait par quel sortilège elle était arrivée
là. Un gémissement lui répondit, lui apportant deux informations de grande
importance : cette femme était en vie ; et ce n’était pas une femme.
    — Al-Afdal ?
    Nouveaux râles, plus forts cette fois-ci, suivis d’un
tremblement du corps. Enfin, la chance était avec eux ! Impossible
autrement. La chance, et Dieu. En quête de leur route pour regagner la ville,
ils venaient de tomber sur celui qu’ils cherchaient. Les habitants de Jérusalem
seraient donc épargnés.
    Morgennes pourrait rentrer chez lui ! Tout était pour
le mieux.
    Il se tourna vers Simon, resté en contrebas de la montagne
de morts.
    — Simon ! Par ici !
    Simon posa Rufinus à ses pieds, et entreprit l’escalade de
la macabre pyramide.
    Rufinus, resté seul, regarda autour de lui. Les morts
étaient partout. Il connaissait cette salle. On lui donnait le nom de
« grande chambre mortuaire », bien que les souterrains en eussent
plusieurs, dont certaines cent fois plus vastes. De nombreuses galeries
permettaient aux prêtres qui officiaient ici autrefois de se rendre à des
cérémonies funèbres consacrées à des dieux sans nom : « Ils
sacrifiaient à des démons qui ne sont pas Dieu, à des dieux qu’ils ne
connaissaient pas. » Ces prêtres étaient probablement des Juifs, ayant
vécu peu avant Abraham, ou peu après. Des renégats, de toute façon.
    Simon grimpait, courbé en deux, trébuchant à chaque pas dans
une intrication de membres épars, faisant rouler des crânes, crevant des
poitrines d’où s’évaporaient de minuscules nuages de poussière brune. À la
lueur tremblotante de sa torche, il les voyait s’embraser et disparaître aussi
vite qu’ils étaient apparus, pareils à des lucioles. Il s’efforçait de ne pas
frissonner, ne quittant pas des yeux Morgennes, qui commençait à redescendre
vers lui, une jeune femme dans les bras. Simon distingua alors une ouverture en
forme de puits dans le plafond – puis la vit d’autant mieux qu’on venait
d’y laisser choir une torche.
    La torche chut avec un bruit mat au sommet des corps, où
elle continua de brûler en crachotant, semant des étincelles autour d’elle,
enflammant quelques lambeaux de vêtements, dont l’aube éphémère mourut
aussitôt.
    Morgennes se tourna vers la torche, et aperçut à son tour le
puits au plafond, si proche qu’il aurait presque pu le toucher de la pointe
d’une lance. Des échos de voix leur parvenaient. Elles s’exprimaient en lingua franca. Morgennes porta un doigt à sa bouche, intimant l’ordre à
Simon de se taire, et tenta d’empêcher al-Afdal de parler – ce qui était
difficile : le pauvre délirait.
    — J’ai cru voir de la lumière, dit une voix venue d’en
haut.
    Morgennes ne bougeait pas. Leur seule source de lumière
était la torche de Simon, puisqu’il avait remis Crucifère au fourreau pour
prendre al-Afdal dans ses bras.
    — Mais non, dit une seconde voix. C’est le reflet de ta
propre torche…
    — Pour qui me prends-tu ? reprit la première voix.
Je ne suis pas fou, quand même ! Si j’ai jeté ma torche dans ce puits,
c’était pour regarder : j’ai entendu des voix. Et si c’était le gamin que
nous recherchons ?
    — Mais oui ! Bien sûr…
    — J’ai vu des lumières, je te dis !
    — De mieux en mieux ! continua la seconde voix,
sur un ton ironique.
    Simon eut alors la très mauvaise idée de vouloir éteindre sa
torche, en l’écrasant dans un thorax. Ce geste déclencha une avalanche de
squelettes, qui dévalèrent avec fracas le monticule de morts. Rufinus se trouva
alors environné d’ossements.
    — Booonjouuur…, dit-il à un crâne tombé juste en face
de lui.
    C’était aussi une façon de masquer sa peur, tant il était
envahi par ses semblables – frères d’os auxquels ne manquait que la
parole.
    Le vacarme avait été tel que Simon se dit : « Nous
sommes perdus ! »
    Morgennes le regarda sans bouger, puis, dans un chuintement,
la torche s’éteignit. Ils furent plongés dans une obscurité qui ressemblait au
néant. Ils attendirent, patiemment, qu’un bruit venu d’en
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