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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix
Autoren: David Camus
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vers l’entrée du château. Ses murailles
tombaient en ruine, et la toiture était couverte de neige. Des glaçons
pendaient aux fenêtres comme des stalactites, donnant à la bâtisse un aspect
sépulcral. Alors qu’ils avançaient vers l’entrée, un serviteur vêtu d’un épais
manteau, et que Simon ne reconnut pas, vint à leur rencontre. Simon lui
expliqua qui il était, mais le valet ne voulut pas le croire :
    — Le comte Étienne de Roquefeuille est formel. Ses cinq
fils sont morts. Il dit que c’est un grand malheur, s’accuse de les avoir tués
et passe ses journées à pleurer. J’avoue que j’ignore tout de cette affaire,
mais…
    L’interrompant, Simon ordonna :
    — Allez lui dire que son dernier-né est là, et qu’il
est rentré d’Oultremer.
    Le serviteur s’éloigna par une porte de côté, qui menait à
la salle principale du château, et revint peu après :
    — Le comte va vous recevoir.
    Ils entrèrent dans une grande salle voûtée, où de sombres
rideaux avaient été tirés, la privant de toute lumière – à l’exception de
celle d’un feu de bois. Un vieil homme avachi dans un fauteuil se tenait au
coin de l’âtre, si près qu’on eût dit que sa barbe était habillée de flammes et
que lui-même sortait du foyer. Les bûches craquaient, ponctuant l’épais silence
de paroles réconfortantes.
    Ce vieillard était le père de Simon. Il avait le teint
blafard, et sa barbe hirsute lui tombait sur la poitrine, recouvrant sa
chemise. Il n’eut pas un geste quand ils approchèrent, continuant à fixer le
brasier sans en détacher le regard. C’est alors qu’ils aperçurent ses
yeux : deux globes complètement blancs, sans pupille ; deux absences
d’yeux. L’âge, ou la douleur, l’avait rendu aveugle. Simon lui prit la main et
la posa contre sa joue. Étrangement, les doigts du vieillard étaient glacés, et
sans savoir pourquoi Simon les embrassa, désespérément, pour les réchauffer.
    — Père, c’est moi, murmura-t-il à son oreille.
    — Simon ? demanda le vieil homme d’une voix
tremblotante.
    — Oui, dit Simon. Simon, le peu, le petit… Simon, votre
plus jeune fils…
    La main du père se referma sur celle de Simon, se
réchauffant peu à peu à son contact et sous ses baisers. De sa main libre le
comte caressa la figure de son fils, cherchant peut-être à déchiffrer ses
traits.
    — Simon, comme tu as changé… Tu ressembles enfin à tes
frères…
    — Oui, dit Simon. Et à vous quand vous étiez jeune…
    — Ah, mon enfant, laisse-moi te serrer sur mon cœur, et
dit à la jeune fille qui t’accompagne de venir plus près…
    Cassiopée s’approcha du vieux Roquefeuille, qui lui caressa
doucement le visage, sans dire un mot, un fin sourire aux lèvres. Enfin, après
avoir laissé quelque temps sa main se perdre dans les cheveux de Cassiopée,
comme étonné, il déclara :
    — Je suis heureux…
    — Père, demanda Simon, ne voulez-vous pas savoir…
    Le vieil homme tendit les mains vers l’âtre, les avançant
presque au milieu des flammes, si bien qu’elles parurent s’embraser.
    — Savoir si tu as réussi ? Mais tu as réussi mon
enfant, je le sais. Quant à moi, j’ai eu cinq ans de solitude, sans mes fils,
pour savoir que je m’étais trompé. Vous m’avez manqué.
    — Nous sommes partis pour vous, mon père. Encore
aujourd’hui, même s’ils sont morts, mes frères et moi sommes unis, et
continuons de vous aimer.
    — Et moi ? Puis-je mourir en paix ?
    En guise de réponse, Simon fouilla dans sa poche, à la
recherche du fragment de croix tronquée. L’ayant trouvé, il le mit dans la main
de son père, dont il referma le poing dessus.
    — Aaah, fit le vieillard. Est-ce la croix du
Christ ?
    Simon eut un instant d’hésitation avant de répondre. Il
regardait Cassiopée, dont les cheveux et les yeux reflétaient la morsure du
feu. Puis elle hocha la tête, l’invitant à dire la vérité.
    — Maintenant, c’est la vôtre, dit Simon. Mais avant,
c’était la mienne, et celle d’un homme appelé Morgennes.
    — Mais enfin, me vaudra-t-elle le paradis ?
    — Assurément.
    — Eh bien ! Pourquoi ?
    — Ah ! fit Simon. C’est une longue histoire,
longue et difficile à raconter.
    — J’ai tout mon temps.
    — Fort bien. Alors voici l’histoire de cette croix et de
l’homme parti à sa recherche…
    Une bûche craqua dans l’âtre. Simon s’interrompit et parut
se perdre dans ses
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