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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon
Autoren: Evelyne Lever
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l’élève à la hauteur de la vérité ou la modestie l’abaisse à une humilité hypocrite. Je pardonne à Saint Augustin d’avoir écrit ses Confessions devant Dieu, mais je ne pardonne pas à Jean-Jacques Rousseau d’avoir fait imprimer sa confession générale sur beau papier devant les hommes qui ne la demandaient pas, tandis qu’il n’a jamais voulu, à sa mort, donner sa confession particulière au bon curé de son village qui la lui demandait, voulant lui donner gratis un passeport pour aller trouver au ciel la sagesse qu’il n’a pu trouver sur la terre quoiqu’il l’ait cherché à quatre pattes depuis sa jeunesse jusqu’à sa vieillesse.
    Quant à ma confession particulière, je dois dire que ma vie n’ayant eu ni queue ni tête, je ne sais par où commencer et finir. Une vestale ne peut aussi hardiment accoucher qu’un philosophe de Genève et qu’une femme mariée devant la barbe d’un grand prêtre. Comme mon principe n’a point été dans l’ordre, il y en eut peut-être dans la conséquence. J’écris comme j’ai vécu. Cependant dans mon beau désordre j’ai eu grand soin de me conduire non sur les règles ordinaires des filles, mais sur celles de la discipline militaire   ; sur la sagesse des ordonnances du roi et sur la prudence du dragon parmi les lions de l’armée, les serpents de la cour et les crocodiles de Paris la grand ville.
    Dans mon ouvrage, je ne cherche point à faire un roman pour plaire au public, je ne rapporte que des faits passés sous les yeux. Mes bills (mot anglais signifiant mémoires de fournitures ou de dépenses) ne sont point des mémoires d’apothicaire, mais bien de la vérité. La vérité, dit le docteur Amstrong, est un témoin bien opiniâtre   : il suffit pour confondre le mensonge et l’imposture. Si je suis forcé à déposer des actes authentiques sur ma vie passée, c’est que la calomnie a voulu en buriner les erreurs et la vérité en révélant l’histoire.
    Je suis fâché dans certains endroits de mes écrits d’avoir été contrainte à parler vrai sur le chapitre de certains personnages, mais si mes écrits ne sont pas assaisonnés du sucre de la raison, du sel de la vérité et des épices de la justice, comment pourraient- ils résister à la corruption du siècle qui est un ver rongeur et dévorant de toute vertu   ?
    Si certains philosophes modernes n’approuvent pas ma conversion, c’est qu’ils ne croient ni en Dieu, ni dans la loi, ni dans le roi. Dieu m’a pardonné   ; la loi vivante m’a justifié, la justice en Angleterre, en France on m’a adjugé la robe de plein droit. Louis XV et Louis XVI m’ont doté   ; la reine, fille des Césars, m’a fait habiller à sa cour par Mlle Bertin. Celle même qui habille la reine n’a pas dédaigné d’habiller magnifiquement Mlle d’Éon. Madame Louise de France ma bonne et sainte protectrice m’a montré le chemin de la vertu. Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, saint de son métier, grand pasteur de nos âmes et que le zèle de la maison de Dieu a dévoré, a voulu malgré moi me faire vivre dans la légende dorée   ; et voulant me faire marcher à grands pas dans le sentier étroit de l’Évangile, sa charité ardente pour le salut de son prochain l’a porté à ôter promptement aux yeux du peuple d’Israël le scandale de l’habit d’homme que j’ai porté.
    L’effet de sa conduite était politique, moral et religieux   ; ainsi pour ne point errer dans ma conduite, je dois suivre la marche d’un conducteur sacré aussi pieux qu’éclairé dans le principe céleste qui la dirige. C’est encore aujourd’hui l’objet principal de mon travail, tant pour mon propre avantage que pour celui des filles qui servent Dieu, souvent avec un cœur droit et une tête de travers. Mon but tend à faire connaître que la grâce de Dieu n’a point été vaine en moi. J’ai toujours admiré sa grandeur et sa bonté et comment il agit puissamment sur les cœurs qui l’ont toujours aimé de bonne foi. Je désire que ma philosophie chrétienne qui m’a nourri et qui m’a élevé l’âme vers son créateur, puisse opérer le même effet sur l’Esprit de mes lecteurs animés des mêmes sentiments divins.
    Je sais que mon travail n’est ni dans l’ordre, ni dans le style que je voudrais. Ce n’est pas la gloire de l’historien mais du chrétien que j’ambitionne. Comme Voltaire, je n’ai point l’art d’écrire l’histoire en miniature, en
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