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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon
Autoren: Evelyne Lever
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Prologue   La reine et le dragon
    D epuis que Louis XVI est monté sur le trône, la reine préside aux plaisirs de la cour. Le divertissement qu’elle offre à Versailles dans la galerie des Glaces, en ce 23 novembre 1777, cause un émoi particulier. On attend un étrange personnage qui défraie la chronique depuis des mois. Lorsqu’il paraît enfin, avec la grâce d’un fort des halles, vacillant sur ses hauts talons, un indicible malaise saisit l’assistance. Est-ce un homme ou une femme   ? On jurerait un travesti engoncé dans une robe de satin bleu à rayures brunes exhibant sur son sein la croix de Saint-Louis, le chef empanaché d’un pouf sorti de l’atelier de Mlle Bertin, la couturière de Sa Majesté. Comment le vertueux monarque peut-il tolérer une telle mascarade   ? Mais ne dit-on pas que c’est lui qui exige pareil accoutrement pour cet excentrique   ? La reine s’amuse   :
    «  — comment Mlle d’Éon trouve-t-elle son nouvel uniforme   ? lui demande-t-elle.
    —  Madame, je suis heureuse de le porter parce qu’il m’admet dans le régiment de la reine, qui est totalement dévoué au service de notre bon roi.
    —  Mademoiselle, si le régiment était uniquement composé de demoiselles, qui d’autre mieux que d’Éon pourrait le commander   ?
    —  Madame, il le serait mieux par Marie-Antoinette d’Autriche.   »
    Et Louis XVI d’éclater de rire. Cependant la conversation se poursuit   :
    «  — Madame, en temps de paix dans mon nouveau service, les blessures ne sont pas moins dangereuses qu’en temps de guerre.
    Les batailles livrées la nuit sont les plus sanglantes. Lorsqu’on est trop courageux et qu’on veut sacrifier sa vie, on meurt.
    —  Mademoiselle, qui vous a rendue si avertie   ?
    —  Madame, c’est ma mère et avant tout ma grand-mère qui avait vingt-deux enfants.
    —  Mademoiselle, vous êtes une bonne Française.
    —  Madame, mon éducation n’a pas été ce qu’elle aurait dû être. J’ai perdu ma fertilité et mon temps en faisant ce que je n’aurais pas dû faire.
    —  Mademoiselle il est toujours temps de réparer ses fautes. Je vous assure qu’avec une autre éducation, ce qui vous fait défaut sera comblé. Le roi vous a donné une bonne pension sur le trésor royal   ; quant à moi, j’ai ordonné à Mlle Bertin de s’occuper de votre garde-robe et je vous confie à mes dames d’honneur pour vous montrer comment porter vos robes avec la modestie qui convient jusqu’au moment où nous trouverons à Versailles une maison où votre instruction concernant votre nouvelle vie pourra être achevée. La soumission à la loi est une nécessité absolue dans tous les États. Votre transformation a surpassé notre espoir. Tout le monde est étonné et vos ennemis sont confondus. Que voulez- vous de plus   ?
    —  Madame, je réalise que la mort de ma condition passée donne vie et gloire à mon état présent et futur. Permettez-moi de faire le serment de rester un prisonnier de guerre en jupons, en foi et hommage à la loi. Parce que la foi est la première des vertus théologales   ; sans elle nous ne sommes que l’écho d’un tambour dans l’air.
    —  Mademoiselle, ce que vous dites est pure vérité {1}   »
    La reine aime le théâtre, voire les mystifications, mais elle ne se livre jamais à des plaisanteries de mauvais goût. Cet extravagant personnage est célèbre. Qui n’a pas entendu parler de ses démêlés à Londres avec l’ambassadeur de France dont il était le secrétaire d’ambassade ? De ses duels, dont il sort toujours victorieux ? Du procès intenté par les parieurs de la capitale britannique avides de connaître sa véritable identité sexuelle ? Précédé par une réputation sulfureuse, il s’est installé à Versailles au mois d’août où il est devenu l’objet de la curiosité générale. Son récent voyage dans sa ville natale de Tonnerre a fait grand brait. Connu jusqu’alors comme chevalier d’Éon, le voici maintenant métamorphosé en chevalière d’Éon : le roi, qui le reconnaît pour une femme, l’oblige désormais à porter l’habit féminin sous peine d’être privé de sa pension et condamné à l’exil. «De toutes les femmes travesties dont parle l’histoire, c’est la plus étonnante en ce qu’elle s’est distinguée à la fois dans les armes, dans la politique et dans la littérature », note un chroniqueur du temps. Le sexe de Mlle d’Éon devient le
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