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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2
Autoren: Mireille Calmel
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fort que Mathieu entendait à peine le garçon d'écurie chuinter sur la paille, pris sans doute dans un mauvais rêve. Assis en tailleur sur la couverture, le jouvenceau oscilla entre l'envie de pincer le nez de son compagnon et celle de le battre. Il bâilla bruyamment, le temps d'en décider. Optant pour la première solution, il coinça entre le pouce et l'index l'appendice proéminent qui se soulevait quand Janisse aspirait. Cherchant l'air vicié de l'écurie, le cuisinier gargouilla d'ignobles borborygmes, avant de retrouver une respiration plus discrète. Mathieu relâcha la pression, s'essuya les doigts à sa couverture et soupira d'aise. Il n'avait pas plus tôt calé sa nuque sur son bras replié que Janisse recommença. Revenu sur le dos, Mathieu se boucha les oreilles. Rien n'y fit. Comme pour se venger, les ronflements s'amplifiaient à chaque nouvelle inspiration. Lorsqu'ils ébranlèrent Janisse au point que la carriole en tressaillit, Mathieu jugea qu'il ne pourrait dormir, comme la nuit précédente, que sous le ciel étoilé.
    Sa couverture roulée sous l'aisselle, la paupière lourde, il quitta les écuries, emprunta le chemin sur lequel le cuisinier et le baron avaient déambulé et divagua sous le couvert des arbres. Il en essaya plusieurs du plat de la main avant de se décider pour un châtaignier qui lui offrait une racine couverte de mousse en guise d'oreiller. Il s'allongea, tendit l'oreille. Si l'on exceptait le cri désaccordé d'un hibou troublant le concert que donnaient les rossignols, tout était tranquille. Cette nuit les conspirateurs dormaient. Tant mieux, songea-t-il en bâillant de nouveau, les yeux perdus dans le bruissement des jeunes feuilles. Ici et là, trouant les branchages, une étoile étincelait malgré le halo blafard de la lune. Il en chercha une plus brillante que les autres pour y fixer son regard. Lorsqu'il ne pourrait plus en soutenir l'éclat, espéra-t-il, alors il s'endormirait. Il prêta l'oreille aux mouvements alentour. Le crissement des insectes. La chasse des chats dans l'ombre des fourrés. Le trottinement des écureuils sur les écorces. Le bourdonnement des mouches. Le sifflement des moustiques. Il savait les reconnaître. Souvent ils avaient bercé ses rêves les nuits d'été à Sassenage. S'accorder à leur rythme était un bon moyen pour ne pas laisser ses pensées le gêner. Mais il n'était pas dupe. Il savait que son tourment l'avait rattrapé, lorsque, réveillé en sursaut, il avait découvert le visage du baron penché au-dessus du sien. Son premier réflexe avait été de tâtonner du plat de la main pour s'emparer du braquemart, avant de se rappeler, d'une part, que l'arme n'était plus à portée mais ficelée sous le plateau, et d'autre part, qu'il n'avait plus de raison de découdre le baron puisqu'il avait décidé de pardonner. Une fraction de seconde. Nourrie de haine. Il l'avait cachée soigneusement. Affable, le baron s'était excusé de le réveiller avant de lui demander son témoignage.
    Mathieu soupira. Il ne dormirait pas davantage que la nuit dernière. Il fallait s'y résoudre. Alors autant regarder les choses en face à défaut de se leurrer. Les paroles d'Algonde sonnèrent dans sa tête. Une fois de plus. La journée durant, elles l'avaient hanté. Cette histoire, son histoire, leur histoire était si troublante et incroyable qu'il avait du mal encore à l'admettre. Il savait pourtant qu'Algonde ne mentait pas. Il avait lui-même pu juger du pouvoir maléfique de la Harpie et de l'épervier. Il avait vu Algonde rejaillir des Cuves du Furon, vivante quand elle aurait dû s'y noyer. Il ne doutait plus d'elle. De son abnégation. De son combat. Et de l'amour qu'elle lui portait. Mais. Il y avait un mais. Il l'avait vue revenir de promenade avec Philippine, vu les courtisans se presser autour d'elle dans les jardins, louer sa beauté et sa santé recouvrée, l'éclat de son teint. Il avait entendu son rire haut perché, ses traits d'esprit pour les moucher. Lorsqu'elle avait monté le perron d'entrée, ses jupons entre ses mains fermées pour ne pas ramasser la poussière, elle portait tant de grâce et d'allure sur ses traits qu'il avait dû se frotter les yeux pour n'en être pas ébloui. Plus encore pour tenter de retrouver en elle la bécaroïlle aux mains sales et aux genoux cagneux qui l'accompagnait enfant à la pêche aux grenouilles. Ce monde-là lui allait bien, à elle la descendante des fées. Si bien !
    Y
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