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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2
Autoren: Mireille Calmel
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trouverait-il sa place ? Lui qui pour voir sa fille, ce tantôt, avait revêtu la livrée des valets ? Algonde le lui avait affirmé. Prétendant qu'elle ne s'accordait à cette mascarade que par nécessité. Il ne lui en voulait plus. Tenir Elora dans ses bras, sentir ses petits doigts emprisonner son index, son regard de mousse le jauger, et enfin la voir sourire, béate, lui avait suffi pour admettre comme sienne cette enfant pas comme les autres née pour sauver le monde. Pour autant sa haine n'était pas éteinte. Même si Algonde lui avait expliqué pour le baron, pour Philippine. Imaginer d'autres mains que les siennes sur sa carnation de lait le rendait enragé. Tout comme son impuissance à intervenir, à soutenir, à guider, à protéger. Quel rôle avait-il à jouer, lui, Mathieu le panetier, dans cette prophétie ? Attendre les bras croisés qu'elle s'accomplisse ? Qu'elle malmène les siens, bouleverse sa vie, renverse ses rêves ? Il avait vu la lumière bleue émaner d'Elora lorsqu'il l'avait embrassée au front, il avait perçu sa douceur et sa force. De même, ce pouvoir des Anciens dont Algonde avait hérité, et dont elle ignorait de fait les propriétés, il l'avait perçu sur son visage lorsqu'elle avait joui de lui dans les fourrés tout proches. Son plaisir d'homme en avait été décuplé comme lorsque la Harpie l'avait contraint à Sassenage. Il en gardait au creux du ventre un manque. Puissant. Qui le rendait ordinaire. Si ordinaire. Indispensable, avait susurré Algonde. Mais à quoi ?
    Il ferma les yeux, l'iris brûlé d'avoir trop fixé son étoile. Était-elle bonne ou mauvaise ? Bouleversé après qu'Algonde l'avait quitté au mitan de la nuit dernière pour donner la tétée à Elora, il n'avait pu rester dans le sillage de son parfum. Il avait marché au hasard des chemins du domaine pour remettre de l'ordre dans ses idées. Il s'était éloigné du château sans en quitter l'enceinte. En entendant des pas derrière lui, par réflexe, il avait plongé derrière une repousse généreuse de noyer. Voir si ce n'était pas Marthe elle-même qui le suivait. Un colosse en livrée l'avait dépassé, un corps inerte de femme jeté sur l'épaule comme un vulgaire sac. Même stature qu'Algonde. Même longueur de tresse. Son cœur s'était broyé. L'avait-on surprise alors qu'elle remontait ? Le valet avait déposé son fardeau à terre à quelques pas de lui, silencieusement fébrile et le visage tuméfié de la jouvencelle avait roulé sur le côté. Non, ce n'était pas sa bécaroïlle. Il s'était relâché. Après avoir craché dans ses mains, le colosse avait entrepris de creuser une fosse avec la pelle qu'il avait emportée. Un signe de croix furtif en guise d'oraison funèbre et il l'avait enterrée, avant de repartir comme il était venu, sans un regard en arrière. Chienne de vie, avait songé Mathieu, où les petites gens entre eux n'ont pas même le respect de leur commune misère. Il était rentré à son tour. À mi-chemin, il s'était souvenu de la description qu'Algonde lui avait faite de Francine. Il n'avait plus douté soudain que ce fût elle dont on s'était si discrètement débarrassé. Une excitation étrange l'avait pris à l'idée qu'Algonde l'ait elle-même exécutée. L'avait-elle surprise rôdant autour d'Elora ? La perspective que sa promise soit capable de tuer pour se venger ou pour protéger les siens l'avait rassuré. Il se sentait moins gourd de ses propres pulsions. Même s'il savait à présent que sa bécaroïlle n'était pour rien dans la disparition de la servante, qu'elle l'avait au contraire fait chercher la journée durant jusqu'à ce qu'il lui apprenne la vérité, il en avait gardé le sentiment d'un possible. Un possible qui le déculpabilisait de ce qu'il était lui-même capable d'éprouver.
    Mathieu chassa un moustique qui vrombissait un peu trop près de son oreille. Du temps. Il lui faudrait du temps pour s'accorder à ce destin qu'ils n'avaient choisi ni l'un ni l'autre. À dater de la nuit prochaine, pour rester près d'elle et la soutenir dans son épopée, il ferait le pain de la maisonnée. Il resterait dans l'ombre. Elle dans la lumière. Elora les réunirait.
    Il bâilla. La fatigue reprenait le dessus. Du temps. Voilà ce qu'il lui fallait. Mais point trop. Il était allé voir le curé ce tantôt. Au retour du baron, lui avait accordé l'abbé Mancier. C'était fait. Jacques de Sassenage l'avait autorisé. Algonde ne le savait
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