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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2
Autoren: Mireille Calmel
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qu'on lui imposait sans sourciller et avec d'autant plus d'aisance que coulait en elle le sang des fées.
     
    Elle quitta son appartement en ayant soin de refermer la porte à clef derrière elle. Non qu'elle craignît quelque indiscrétion, mais son privilège n'était pas du goût de tous au château. Les autres servantes la regardaient d'un œil où pointait une jalousie viscérale. Bien qu'elle en éprouvât un certain malaise, Algonde ne pouvait pas les en guérir. Elle se contentait donc de satisfaire le caprice de Philippine, puisque c'était désormais son rôle, tout en se tenant sur ses gardes.
    Les nouvelles de sa mère ayant quelque peu apaisé son inquiétude concernant Mathieu, elle longea le long corridor flanqué de chaque côté des chambres du second étage. Accrochant son image dans un des nombreux miroirs ouvragés qui l'ornaient, elle s'estima aussi jolie que le voulait Philippine, avec cette robe diaprée et sa tresse surmontée d'un hennin. Empruntant le double escalier qui desservait l'aile sud de cette vaste demeure octogonale ceinturée d'élégantes tourelles, elle descendit, légère, jusqu'au premier.
    A peine eut-elle poussé les portes du salon de musique réservé à Philippine, qu'un concert de violes et de hautbois lui emplit les oreilles. Face à elle, trônant en haut de trois marches de marbre rose, sous un dais aux armes de sa famille, Philippine de Sassenage, souveraine dans sa robe blanche brodée de fils d'or, tenait cour devant un parterre de nobliaux. Ses damoiselles de compagnie, alanguies en corolle de soie sur des coussins à même les épais tapis ou les degrés, jouaient aux osselets, aux dés ou aux échecs, tout en cacardant comme des oies. Jongleurs, acrobates et ménestrels amusaient cet aréopage de leurs prouesses.
    Les premières fois que Philippine l'avait obligée à paraître, Algonde s'était sentie gauche et empruntée, l'œil inquiet de savoir si l'on allait percer à jour sa mystification et la railler. Ce jourd'hui, elle avait acquis suffisamment de certitude et d'aplomb pour s'avancer le front haut.
    Le regard de Philippine, pourtant penché sur Catherine de Valmont, aussi jolie que délicate, se releva aussitôt pour escorter Algonde jusqu'à elle.
    — Vous voici enfin. Vous me manquiez, Algonde.
    — Pardonnez-moi, damoiselle Hélène. Une lettre de ma mère est arrivée et il me tardait d'en prendre connaissance.
    Philippine hocha la tête, un sourire aérien sur son visage élégamment fardé.
    — Comment se porte notre chère Gersende ?
    — À ravir, lui assura Algonde en s'installant à ses pieds sur les marches, près d'un hobereau boutonneux qui loucha aussitôt sur sa gorge, joliment mise en valeur par un rang de perles.
    — Damoiselle Algonde, vous vous vous êtes su… su… subli m… m… me, bégaya-t-il comme d'habitude lorsqu'il était troublé.
    De fait, ses joues brûlaient.
    — Et vous, bien indiscret, mon cher Benoît.
    — Des… des… fr… fr… fruits pa… pa… pa… pa…
    — … pa… pa… Pas pour vous mon ami, notre belle Algonde est promise, se moqua Philippine en riant.
    — V v v vrai ?
    — Hélas ! renchérit Algonde.
    Benoît soupira de regret avant de détourner la tête, seule condition pour reprendre une élocution aussi normale que le lui permettait son défaut de prononciation.
    Philippine se renfonça dans son trône rehaussé de pierreries enchâssées aux moulures pour recevoir les vers d'un ménestrel, et Algonde s'oublia au milieu des autres courtisans. Non que leur compagnie lui fût désagréable, car elle s'était découvert de l'esprit dès lors qu'on lui avait demandé d'en avoir, du charisme dès lors qu'on l'avait mise en valeur, et de la conversation dès lors qu'elle avait compris que seules les futilités nécessitaient quelque argumentaire. Mais elle aurait cent fois préféré se trouver près de Gersende, de maître Janisse et de Mathieu.
    La porte s'ouvrit comme le troubadour saluait sous le sourire indulgent de Philippine. Sa mièvrerie n'avait convaincu personne et il tourna les talons sous les moqueries du bouffon, croisant au passage le nouveau venu. Le visage de Philippine se durcit. Craignant d'être reconnue, Algonde détourna le sien.
    — Messire de Montoison, l'accueillit la damoiselle de Sassenage sans plaisir.
    Le chevalier s'inclina avec déférence devant elle.
    — Je ne pouvais paraître en ces lieux sans vous saluer, chère Hélène.
    — Je vous croyais
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