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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2
Autoren: Mireille Calmel
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transporté.
    — Venez, lui dit-il en soulevant la tenture.
    Elle le suivit comme une ombre, silencieuse et diaphane dans sa chemise de nuit, les pieds nus, attentive à ne pas seulement faire craquer une lame du parquet sous les riches tapis qu'ils écrasaient. Au seuil de la porte ouverte, Jacques risqua un œil dans le corridor. Il était désert et sombre, tel qu'il l'avait trouvé à son arrivée. La maisonnée dormait. Il se retourna de trois quarts, vérifia par acquit de conscience que dans la chambre rien n'avait bougé et, prenant dans la sienne comme une promesse de réconciliation la main de Sidonie, guida celle-ci dans la pénombre jusqu'à l'étage inférieur. Forçant le seuil d'une des salles de musique, il se dirigea vers une tapisserie d'Aubusson qui tenait un mur tout entier et passait pour une des plus belles de la contrée. Une double fenêtre à meneaux décorés de vitraux fleuris l'éclairait doucettement du pâle éclat de la lune.
    Trottinant derrière Jacques, Sidonie avait la gorge nouée d'angoisse et de bonheur mêlés. L'homme qu'elle aimait était venu la chercher. Peu lui importait ce qu'il dirait. Sa tendresse, sa délicatesse retrouvées apaisaient en elle le tourment de ces jours derniers. Du coup, le voir écarter le bas de la tapisserie et révéler ainsi une petite porte cintrée dont elle ignorait l'existence ne lui sembla pas plus étonnant que le pardon qu'elle avait tant espéré.
    La toile d'Aubusson rabaissée sur le battant refermé, Jacques les emmura dans une petite pièce noire qui puait l'humidité malgré le souffle d'air frais qui chatouillait ses cils. De toute évidence, un des nombreux souterrains du château en partait. Jacques avait lâché sa main et elle se sentait orpheline. Les bras ballants, elle demeurait là, plantée, à quelques pas seulement de lui, incapable d'un mot ou d'un geste, quand tant de fois jusque-là, elle avait montré assurance ou témérité.
    Il la devina fragile, blessée, victime. Son cœur s'en bouleversa. Spontanément, il glissa jusqu'à elle et l'enlaça à l'étouffer.
    — Oh, Jacques, si vous saviez, hoqueta-t-elle contre son pourpoint empesté du sel de sa chevauchée.
    Un sanglot la souleva sans qu'elle puisse l'arrêter.
    Depuis combien d'années n'avait-elle pas pleuré ? se demanda Jacques en la berçant. Quelques larmes, oui, à la mort de la petite Claudine. Du désespoir dans ses yeux, dans ses gestes, mais d'une telle dignité ! Les images défilaient dans l'obscurité. Images heureuses de leurs rencontres chaque jour plus complices, de leurs étreintes, de leurs rires. Elle l'avait aidé à renaître après l'enterrement de Jeanne. Sans s'imposer. Non, jamais elle ne s'était imposée. Malgré l'amour qu'elle lui portait, malgré les manigances de Marthe. Se refusant même les premières fois qu'il avait essayé de l'embrasser. Il la revoyait encore, le repoussant, arguant la mémoire de Jeanne, tremblant si fort qu'il avait mis presque deux ans à la plier. Quel châtiment avait-elle reçu en retour de Marthe, pour avoir tant tardé à céder ?
    — Racontez-moi, ma douce. Je veux tout savoir. Tout, implora-t-il en couvrant son visage de petits baisers.
    Elle le laissa boire, avaler cette eau qui la purifiait avant d'être soudainement rattrapée par le souvenir de l'autre. Jeanne. La pluie cessa. Balayée par ce vent de tempête intérieure. Plus fort encore que le besoin de lui. Elle se libéra, recula jusqu'à buter des épaules contre une des pierres saillante du mur. Rejoignant celle qui lui poignait le ventre, la douleur lui arracha un petit cri d'animal blessé.
    — Ne me touchez pas, Jacques. Ne me touchez plus. Je vous aime. Oh oui je vous aime, plus que ma vie même, mais c'est à elle que vous appartenez. À elle seule. Je ne m'en veux que trop de vous avoir berné.
    — Vous ne l'avez pas fait. Marthe seule en est responsable je le sais. Et moi tout autant.
    — Vous ? s'étrangla Sidonie.
    — Moi. Parce que je vous aime aussi et qu'à ce jour, vous m'importez autant que Jeanne.
    Il revint près d'elle et chercha ses mains dans l'obscurité pour les retenir dans les siennes.
    — Ne tremble plus, Sidonie et confie-moi ce que tu sais. Quoi que demain nous réserve, comme Jeanne, je veux te sauver.
    *
    Cette fois, ça y était. S'il n'intervenait pas, sa nuit était perdue. À côté de lui dans la carriole, recouché depuis vingt minutes sur l'épaule droite, maître Janisse ronflait si
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