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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante
Autoren: Matthew Pearl
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l’aristocratie, instruit à Harvard et éduqué dans le giron de l’Église unitarienne, antichambre de la plus haute caste en Nouvelle-Angleterre. C’était même bien plus que cela, car la victime se trouvait être le plus haut magistrat de toutes les cours de justice du Massachusetts. L’acte, donc, n’avait pas mis un terme à la vie d’un homme d’une façon que l’on pourrait qualifier de miséricordieuse, comme il advient parfois. Non, il avait définitivement éradiqué de la face du monde l’un des grands personnages de la cité.
    La dame, dont le petit groupe attendait l’arrivée dans le salon d’apparat de Wide Oaks, était montée à bord du premier train en partance pour Boston dès réception du télégramme. Les voitures de première classe s’étaient traînées pesamment sur tout le trajet depuis Providence, démontrant une oisiveté proprement irresponsable. Maintenant qu’elle était rendue, le voyage lui semblait relever d’un temps inconnu, comme tous les événements qui l’avaient précédé. Elle avait parié avec elle-même, et avec le Seigneur, que si son directeur de conscience ne l’attendait pas à son arrivée, ce serait parce que le message qui lui avait été remis ne lui était pas destiné. Ce vœu n’avait guère de sens, mais il fallait bien qu’elle s’inventât quelque chose à quoi se raccrocher pour ne pas s’écrouler raide morte. Partagée entre la terreur et la désolation, Ednah Healey regardait le monde sans le voir. La seule chose dont elle eut conscience en faisant son entrée dans le salon fut l’absence du pasteur. Un sentiment de victoire irraisonné s’empara d’elle. Toisant le chef de la police, elle nota que sa lèvre supérieure montrait quelques traces de teinture moutarde sous la moustache.
    Aussi robuste fût-il, Kurtz se rendit compte qu’il tremblait. Pendant le trajet jusqu’à Wide Oaks, il s’était répété le discours qu’il comptait tenir à la veuve : « Madame, croyez que nous sommes au grand regret de vous avoir fait revenir pour un tel motif. En apprenant que Son Excellence, le juge suprême Healey… » Non, un préambule était de mise.
    « Nous avons considéré qu’il serait malvenu de vous informer de ces circonstances tragiques ailleurs que sous votre toit, dit-il. Nous avons pensé que ce lieu serait susceptible de vous offrir un peu de réconfort. »
    Cette formule serait comprise comme la marque d’une attention délicate, s’était-il dit.
    « Mais vous ne pouviez compter trouver le juge ici, monsieur le chef de la police ! le coupa-t-elle avant même de le prier de s’asseoir. Je suis désolée que vous ayez perdu votre temps, il s’agit certainement d’une erreur. Le juge suprême était… est parti pour Beverly afin d’y travailler quelques jours dans le silence pendant que nos deux fils et moi-même séjournions à Providence. Nous ne l’attendons pas avant demain. »
    Kurtz ne prit pas sous son bonnet de la contredire.
    « Votre femme de chambre, dit-il en désignant la plus grande des deux servantes, a trouvé son corps, madame. Dehors, près de la rivière. »
    À la mention de sa découverte, un accès de culpabilité ébranla Nell Ranney. Les yeux baissés sur son tablier, elle remarqua la petite auréole de sang qui tachait sa poche.
    « Nous avons tout lieu de croire que l’événement s’est produit voilà déjà plusieurs jours », poursuivit Kurtz. Inquiet de s’être montré par trop catégorique, il ajouta : « Je crains que votre époux ne soit jamais parti pour la campagne. »
    Ednah Healey laissa libre cours à ses pleurs – lentement d’abord, comme une femme s’apitoie sur la perte d’un animal de compagnie : de façon réfléchie et retenue, sans colère. Et la plume de son chapeau, d’un brun vert olive, acquiesça avec une réserve empreinte de dignité.
    Enveloppant sa maîtresse d’un regard empli de compassion, Nell dit alors sur un ton de grande humanité :
    « Vous devrez revenir plus tard dans la journée, monsieur le chef de la police. S’il vous plaît. »
    John Kurtz lui fut reconnaissant pour cette phrase qui l’autorisait à s’échapper. Du pas solennel que requérait la situation, il se dirigea vers sa voiture dont son nouveau cocher, un jeune et bel agent, baissait déjà le marchepied. Rien ne voulait qu’il se hâtât. À cette heure, des esprits en émoi devaient faire le siège de l’hôtel de police – Lincoln, le maire de
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