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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante
Autoren: Matthew Pearl
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la ville, les conseillers municipaux – et ces messieurs avaient déjà tendance à lui reprocher sa mollesse à l’égard des « enfers du jeu » et autres maisons de tolérance Kurtz s’était éloigné de quelques pas à peine lorsqu’un cri terrifiant fendit l’air, expulsé par la douzaine de cheminées que comptait la demeure. Il se retourna. Avec un détachement idiot, il vit un chapeau à plume voler par la porte, puis un éclair blanc se diriger droit sur sa tête, jailli des mains d’Ednah Healey, en cheveux, dressée sur le perron.
    Cligner les yeux, se rappellerait-il plus tard, avait été son unique réaction pour éviter le projectile. Oui, cligner les yeux, c’est tout. Et il s’était incliné devant son impuissance. Le meurtre d’Artemus Prescott Healey l’avait anéanti.
    Oh, ce n’était pas la mort en soi car, en l’an 1865, la camarde visitait Boston aussi communément que de nos jours. Les affections infantiles, les consomptions, les fièvres inconnues et impitoyables sévissaient, de même que les incendies inextinguibles, les émeutes et les désordres. Il y avait aussi ces morts en couches si nombreuses, celles-ci, que les futures mères eussent mieux fait de ne jamais venir au monde elles-mêmes. Enfin, il y avait eu la guerre, achevée depuis six mois à peine, qui avait réduit des milliers de jeunes Bostoniens à des noms imprimés sur des faire-part bordés de noir. Non, ce n’était pas la mort en soi. C’était le raffinement déployé en vue de détruire un seul homme, le soin méticuleux apporté par ces mains inconnues pour perpétrer un crime aberrant.
    Violemment tiré par son manteau, Kurtz s’écroula dans l’herbe tendre de la pelouse inondée de soleil, tandis que le vase allait se briser en mille éclats ivoire et bleu sur le tronc d’un des chênes pansus qui avaient donné leur nom au domaine. Finalement, se dit-il, peut-être eussé-je été mieux inspiré de me faire représenter par le commissaire adjoint Savage.
    Les chevaux renâclèrent et reculèrent tout au bout de l’allée. L’agent Nicholas Rey lâcha la manche de son supérieur et l’aida à se remettre sur pied.
    « Il a fait tout ce qu’il pouvait, criait Ednah Healey. Et nous aussi, tous autant que nous sommes ! Nous n’avons pas mérité cela, monsieur le chef de la police, quoi que l’on vous dira. Nous n’avons rien mérité de tout cela ! Désormais, me voilà seule ! »
    Les mains serrées contre sa poitrine, elle dit alors une chose qui ébahit le chef de la police :
    « Je sais qui c’est, monsieur Kurtz ! Oui, je sais qui a fait ça ! Je le sais ! »
    Nell Ranney entoura sa maîtresse de ses bras solides et s’employa par ses caresses à calmer ses hurlements, la tenant lovée contre son cœur de la même façon qu’elle avait consolé ses enfants, des années auparavant. Mais Ednah Healey se débattait tant et si bien que le jeune et bel agent se vit forcé d’intervenir.
    Réfugiée dans l’ample blouse noire de sa bonne, en un lieu où rien n’existait plus sinon une abondante poitrine, la rage de la nouvelle veuve finit par expirer.
     
    La vieille demeure n’avait jamais été plongée dans un tel silence.
    Abandonnant son époux à l’étude du litige de propriété qui opposait deux des plus grands établissements bancaires de Boston, Ednah Healey était partie pour Providence rendre visite à ses parents, les industrieux Sullivan, comme elle le faisait souvent. Après un affectueux au revoir aux siens, marmonné selon son habitude, le juge avait eu la générosité de donner congé aux serviteurs, sitôt sa famille hors de vue. À la différence de M me  Healey qui ne pouvait se passer de ses gens, il aimait à profiter des petites plages d’autonomie qui s’offraient à lui. Un doigt de sherry à l’occasion n’était pas pour lui déplaire, et les domestiques n’eussent pas manqué de rapporter l’incartade à leur maîtresse. Non qu’ils ne l’aimassent point, mais ils la craignaient, elle, jusqu’à la moelle de leurs os. Il avait donc décidé de ne partir pour Beverly que le lendemain. Il y passerait la fin de semaine dans l’étude et la paix. N’ayant pas d’audience avant mercredi, il aurait tout loisir de revenir en ville par le chemin de fer.
    Nell Ranney n’était pas femme de chambre sous son toit depuis plus de vingt ans sans savoir qu’un intérieur bien tenu était une chose essentielle pour un homme de son
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