Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le camp des femmes

Le camp des femmes

Titel: Le camp des femmes
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
kommandant Kögel accueille les 867 premières détenues de Ravensbrück : sept Autrichiennes, une Espagnole, une Italienne, une Grecque et 857 Allemandes. Pour la plupart ce sont des « criminelles » qui purgent des peines de détention temporaire et qui n’ont aucun mal à étouffer les deux minuscules noyaux de détenues « politiques » qui, seules, pourront sans doute être rééduquées et sauvées : les opposantes au National Socialisme emprisonnées comme les Témoins de Jéhovah ou les Scrutateurs de la Bible depuis 1933.
    Les expériences de Dachau et Oranienburg ont appris aux instigateurs du système concentrationnaire que pour être efficace, la hiérarchie de surveillance et de répression doit être confiée aux plus grands criminels. Ravensbrück ne manque pas à la règle, et la première « Kapo » choisie, « cousine Angèle », ancienne serveuse dans un café-bal de Hanovre, a étranglé dans la même soirée son père, sa mère et un vieux grand-père. Elle manie le « gummi » avec virtuosité et ses gifles, une fois sur trois en moyenne, font « sauter » un tympan. Cette spécialité lui vaudra le surnom de « perce-oreille ».
    La « raison » des camps de concentration, de 1933 à 1941, est très différente de la « finalité » que connaîtront les déportés français un peu plus tard. À leur création, ces quartiers de plein air ouverts, en opposition aux centres pénitentiaires fermés, doivent favoriser une parfaite réalisation physique de l’individu et son modelage moral. Chaque être humain, pourvu qu’il soit de naissance et de sang pur, mérite que la collectivité prenne soin de son avenir en lui procurant les moyens de s’amender et de racheter ses errements. Il est curieux de constater qu’en mai 1942, un mois seulement après que Oswald Pohl, chef de l’Office Central Économique et Administratif des S.S., ait défini la nouvelle vocation de guerre des camps (ix)  : « productivité d’abord, peu importent les moyens », Himmler lui réponde :
    — Dans (x) l’ensemble, je suis tout à fait d’accord. Mais je crois qu’il conviendrait de bien souligner, d’une manière ou d’une autre, que la question de la vérification des incarcérations, ainsi que les buts éducatifs pour ceux qui peuvent être éduqués dans les camps de concentration demeurent inchangés. Sinon, on pourrait se figurer que nous arrêtons les gens, ou que nous les maintenons en détention une fois arrêtés pour avoir des travailleurs. D’où la nécessité de souligner et d’exposer clairement que les vérifications demeurent inchangées et ne dépendent pas de la conjoncture économique.
    — En outre, bien que nous devions faire passer le travail avant toute chose, et cela à 100 %, je suis d’avis que les commandants de camp doivent se charger de l’éducation des éducables. »
    Ce rêve de « séminaires » concentrationnaires hantera Himmler jusqu’à la veille de son suicide. Sauver « malgré soi », bien sûr l’opposant, le criminel, mais aussi l’homosexuel, la prostituée. C’est une mission importante du Parti qui est le guide, l’ami, la vérité et, en désespoir de cause : le bourreau.
    *
    * *
    Le Ravensbrück-camp de redressement est donc l’objet de toutes les attentions : nourriture riche et saine (expérimentation de blé, de soja, d’orge, de flocons d’avoine, de sirop d’érable qui seront servis aux petits déjeuners des groupes de choc de la S.S. en campagne), propreté méticuleuse, ordre minutieux, respect de la propriété – chaque détenue dispose d’un lit, d’une paillasse, de deux couvertures, d’un placard – et de la hiérarchie prisonnière.
    — Pour (xi) toutes ces femmes, les règlements du camp étaient devenus une seconde nature. Une armoire ressemblait à l’autre, à chaque porte pendait un torchon plié comme une cravate d’homme. L’écuelle en aluminium, le gobelet et l’assiette brillaient comme un sou neuf : dans chaque armoire étaient rangées six serviettes hygiéniques et une ceinture aux initiales brodées : les peignes étaient lavés tous les jours, on enlevait soigneusement avec des éclats de verre chaque tache sur les manches des brosses à chaussures, les marques de doigts ne devaient pas être visibles sur la porte de l’armoire. Les escabeaux étaient bien alignés, bien lessivés. Chaque « Bibelforscherin » connaissait et suivait le règlement : il était interdit
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher