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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais
Autoren: Jean-François Parot
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mille livres de traitement d'ancienneté et la même somme en gratifications, le tiers abandonné des amendes infligées et les droits sur le contrôle des poids et des mesures des marchés. Il disposait aussi des revenus de Ranreuil et des terres dépendantes. Son ami, M. de La Borde, l'ancien premier valet de chambre du feu roi passé à la ferme générale, l'avait mille fois tancé et quasi contraint de placer des capitaux qui lui procuraient un supplément de revenus en rentes régulières, sans avoir à toucher au principal.
    À la fin de l'année précédente, chargé d'escorter l'ambassadeur officieux que les rebelles américains dépêchaient auprès de la cour de France, il avait gagné Auray sans hâte et par des chemins indirects. Le duc de Richelieu avait autorisé Louis, désormais page de la grande écurie, à accompagner son père. L'itinéraire choisi permettait aussi de transmettre au duc de Choiseul une lettre que Sartine, prudent, ne souhaitait pas confier à la poste et que Nicolas remettrait en mains propres à son destinataire au château de Chanteloup, près d'Amboise. Après deux étapes à Orléans et Tours, ils furent accueillis par l'ancien ministre. L'aimable courtoisie dispensée frappa Nicolas qui ne le connaissait que pour l'avoir croisé jadis à la cour. Il demeura cependant sur ses gardes quand le duc l'interrogea avec insistance sur les nouvelles politiques. Le grand seigneur perçait sous l'hôte attentionné, il n'ignorait sans doute pas que Nicolas n'appartenait à aucune cabale. Il finit par l'entretenir de son projet d'édifier dans son parc, au bout de la pièce d'eau, une pagode dans le goût chinois pour célébrer la constance de ses fidèles. Madame de Choiseul le reçut également. Il fut séduit par sa douceur et son détachement. Elle avança que l'incessant passage des dévots de son mari l'excédait et que les jouissances de l'amitié étaient de véritables béatitudes, mais qu'on ne pouvait pas toujours être dans les cieux ; elle rampait donc comme les autres et, en fait de bonheur, le meilleur et le plus sûr était de le prendre comme il venait.
    De là ils gagnèrent l'abbaye royale de Fontevraud. Nicolas appréhendait de revoir sa sœur Isabelle. La présence de Louis, qui fut présenté à sa tante, évita toute gêne et il put se contenir en découvrant sous le voile le visage diaphane qu'il avait tant aimé. La religieuse éclata en sanglots en considérant son neveu dont la ressemblance avec son grand-père s'accentuait jour après jour. Suivirent une conversation apaisée, quelques larmes encore et la promesse de se revoir. L'abbesse les reçut fastueusement à sa table. On parla musique et chronique de la ville et de la cour. Aucune des religieuses présentes, toutes des plus grands noms du royaume, ne semblait avoir perdu le ton du monde. Ils quittèrent Fontevraud chargés de confitures, de pâtes de fruits et… de bénédictions. Nicolas demeura longtemps silencieux ; il songeait qu'une blessure de son existence venait de se refermer doucement ; il en éprouvait un triste apaisement. Il n'avait pourtant pas osé aborder avec Isabelle la question qui lui brûlait les lèvres sur l'identité de sa propre mère. Parvenus à Nantes, ils logèrent dans la vieille auberge où naguère il était descendu avec Naganda. Les punaises étaient toujours présentes au rendez-vous et ils durent avoir recours au baume miraculeux du docteur Semacgus pour repousser leurs attaques affamées. Il se fit reconnaître des autorités et apprit que le vaisseau espéré ne toucherait pas terre avant une dizaine de jours, information portée par un bâtiment plus rapide, de retour des Antilles, qui l'avait croisé une semaine auparavant.
    Saisissant l'occasion de ces quelques jours d'attente, Nicolas décida de faire à Louis la surprise de le mener à Ranreuil. Pendant quelques jours, il y régla l'administration de ses domaines, conféra avec le sieur Guillard, son intendant, et visita ses fermiers dont beaucoup reconnurent dans le nouveau marquis le gamin qui jouait avec eux à la soule sur les rivages vaseux de l'embouchure de la Vilaine. Au château, tout lui rappelait le marquis de Ranreuil. Dans la chapelle il médita un long moment devant sa tombe avant de se rendre à la collégiale de Guérande sur celle du chanoine Le Floch. La joie de se trouver là avec son fils, tous deux unis dans un voyage qui resserrait leurs liens, le disputait à une vague de tristesse
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