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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice
Autoren: Andrea H. Japp
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rongée de curiosité, l’avait prié de la bien vouloir pardonner et avait foncé au-dehors voir de quoi il en retournait.
    Il termina sa brouillade d’œufs à la saucisse de sang et vida la fin de son gobelet d’infusion. Il se levait lorsque l’aubergiste pénétra en trombe dans la salle, semblant en proie à une vive émotion.
    — Dieu du ciel, messire Venelle ! Ah, quel émoi ! Venez, mais rejoignez-moi au-dehors… Une telle nouvelle… Une foule… Bien sûr, ça ne se voit guère… De grâce, de grâce, me suivez… exigea-t-elle en lui tendant la main, ainsi qu’elle l’eût fait vis-à-vis d’un enfant récalcitrant.
    Bien que n’éprouvant aucune envie de se mêler à la foule évoquée par l’aubergiste, Hardouin obtempéra tant maîtresse Hase semblait désireuse qu’il la suive.
    Ils remontèrent la Rue des poupardières au pas de charge et rejoignirent une haie humaine qui s’apostrophait, les plaisanteries ou les commentaires s’échangeant de part et d’autre. Une sorte d’excitation malsaine, d’attente déplaisante se percevait dans les têtes tournées vers la gauche, dans les dos serrés, dans les exclamations qui fusaient. Hardouin attrapa au vol quelques bribes de phrase :
    « Un enherbement… qui voulait occire son propre fils… et d’très haut… Râclure… Une bonne douzaine de trépassés à son actif à c’qui paraît… Oh, sans doute un suppôt satanique… À mort… pas d’pitié… Monstre… »

    Le claquement des sabots sur les pavés de la chaussée. Deux cavaliers montés sur de robustes roncins parurent, les gens d’armes du bailli de Nogent-le-Rotrou. Ils tiraient derrière eux un inculpé, mais les chevaux et la foule ne permirent pas à Hardouin d’apercevoir sa silhouette.
    Des huées hargneuses, meurtrières s’élevèrent, des injures plurent. L’écho des cailloux jetés sur le prisonnier qui retombaient au sol. Hardouin, que ce genre de spectacle n’étonnait ni n’intéressait, était sur le point de rebrousser chemin vers l’auberge. Soudain, un cri de femme. Un cri surpris, douloureux.
    Une onde glaciale dévala dans l’esprit d’Hardouin, qui poussa sans ménagement ceux qui lui bouchaient la vue, s’attirant quelques grognements, quelques mises en garde que son regard gris acier fit taire bien vite.
    Les cavaliers s’avançaient. La foule évoquait une mer démontée, prête à se jeter sur l’enchaîné que l’on traînait. Incapable d’une pensée, Hardouin aperçut le bas de sa cotte et de son mantel derrière les jambes des chevaux, puis une longue chevelure ondulée couleur de blé mûr se devina derrière la courbe d’une croupe. Avant même qu’il ne découvre le visage de l’accusée que l’on menait vers une geôle du château Saint-Jean, le cœur de cadet-Venelle s’emballa au point de lui faire mal.
    Un hurlement sortit de sa gorge sans même qu’il en ait conscience :
    — Marie ! Marie de Salvin ?
    La femme aux poignets enchaînés, tirée par l’un des gens d’armes, tourna la tête vers lui en trébuchant, le dévisageant de cet immense regard avec lequel il vivait, dormait depuis des semaines, un regard bleu marine aux paupières étirées en amande. Un filet de sang rouge vif coulait de sa tempe percutée par une pierre.
    Hardouin sentit ses jambes fléchir sous lui et un vertige le déséquilibra. Un gouffre obscur, son esprit n’était plus qu’un insondable gouffre. Combien de secondes resta-t-il ainsi, sourd aux cris de la populace, muet, incapable d’une pensée cohérente ? Il n’aurait su le dire. Lorsqu’il émergea de cette sorte d’inconscience éveillée, la foule se dispersait. Marie et les cavaliers avaient disparu et maîtresse Hase lui tapotait la main d’un air inquiet :
    — Messire ? Messire Venelle ? De grâce… Allez-vous bien ?
    Il hocha la tête en signe de dénégation et parvint à articuler :
    — Savez-vous qui est cette femme ?
    — La jeune baronne de Vigonrin, une ignoble enherbeuse qui a failli pousser son fils à trépas !

    Les mots de la mendiante tournaient en boucle dans l’esprit d’Hardouin, cette vieille femme déplaisante qu’il avait croisée à plusieurs reprises.
    Tu crois et tu te trompes. Tu ne sais mais tu trouveras ce que tu ne cherchais pas.
    La main de Dieu, le destin, une chance inouïe, une épreuve, tout à la fois. Une force incompréhensible venait de lui ouvrir une nouvelle porte, une porte dont jamais il n’aurait
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