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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas
Autoren: Hervé Gagnon
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ramassa. Elle allait se relever quand je lui saisis le bras.
    —    Pernelle.
    Mon amie posa enfin les yeux sur moi et la douleur que j’y vis me pétrifia au point de m’empêcher de continuer. Elle avait le regard blessé d’une femme qui vient d’apprendre qu’elle a été trompée par l’amant qu’elle aime. Celui auquel elle a donné son corps, son cœur et son âme. Elle secoua tristement la tête pour me faire comprendre que toute parole était vaine, que le mal était fait. Puis elle se leva et partit rejoindre Ugolin en boitillant.
    Après son départ, j’ignore combien de temps je restai à macérer dans ma misère, essayant sans succès de trouver l’oubli dans le sommeil. Autour de moi, le camp était endormi et les feux s’éteignaient. Un craquement attira mon attention et je remarquai une silhouette courte et rebondie s’approcher en se dandinant. Guillot. Il ne manquait plus que lui. Il tenait une chandelle dans une main et je reconnus une bible dans l’autre. Lorsqu’il fut près de moi, il laissa lourdement choir son gros cul par terre puis ficha sa chandelle dans le sol. Il tourna vers moi un visage fendu d’un sourire cruel.
    —    Tu viens de frôler la mort. Il serait sage de prier pour le salut de ton âme, mon fils, dit-il en feignant le sérieux.
    —    Retourne d’où tu viens, moine, crachai-je. Toi et tes complices avez vaincu. Point n’est besoin de m’humilier en brandissant ton livre bourré de mensonges.
    —    T’humilier ? rétorqua-t-il en mimant une surprise exagérée. Loin de moi pareille intention ! Jésus-Christ, notre Seigneur, est la voie du Salut, mon fils. N’a-t-il pas dit Ego sum resurrectio et vita. Qui credit in me, etsi mortuus fuerit, vivet ; et omnis, qui vivit et credit in me, non morietur in æternum 5 ?
    —    Non, Il ne l’a pas dit, justement, et tu le sais bien. Crois-moi, le peu de chance de salut que j’avais, je l’ai perdue, crachai-je avec amertume. Fiche le camp !
    Il se contenta d’émettre un bruit qui tenait autant du gloussement que du rire. Puis il mouilla son index avec la langue et se mit à feuilleter sa bible. Voyant qu’il était déterminé à m’importuner, je ne pus résister à l’envie de poser la question qui m’obsédait depuis le moment où la Vérité m’avait été révélée dans le temple de Montségur.
    —    Tu es un homme savant, j’ai eu l’occasion de le constater. Tu sais aussi bien que moi que Ieschoua n’était ni le Fils de Dieu, ni un dieu lui-même. Il n’était qu’un chef de guerre qui a été puni pour ses actes. Il n’est pas mort sur la croix et n’est pas ressuscité d’entre les morts. La preuve étant dans la cassette qui ne quitte pas ta grosse panse. Tu l’as vu de tes yeux. Sur le linceul, il est vivant. Alors, comment peux-tu invoquer ce qui n’existe pas ? m’enquis-je en toute sincérité. Peux-tu vraiment trouver la paix et le réconfort dans un mensonge ?
    Le gros moine haussa les épaules avec une insouciance étudiée. Puis il braqua ses yeux dans les miens, soudain sérieux.
    —    Bof... Qu’est-ce que la vérité, au fond, sinon ce sur quoi la majorité s’entend ?
    —    Raynal m’a dit à peu près la même chose, fis-je, dégoûté.
    —    M’est avis qu’on accorde une valeur exagérée à l’authenticité, poursuivit le moine. Pourquoi se ronger les sangs avec ce qui s’est passé voilà plus de mille ans ? Le monde ne serait-il pas meilleur avec une seule religion sur laquelle tous seraient du même avis ? Plus personne ne s’entretuerait pour savoir qui a raison et quel Dieu est le bon. Qu’importe que ses origines soient réelles ou non, tant que ses principes sont rassurants. Pour ma part, je choisis de croire ce que les puissants me dictent. Ma vie en est grandement simplifiée.
    —    Sans compter que tu risques de monter en grade, ajoutai-je avec mépris.
    —    Si Sa Sainteté Innocent III m’en juge digne, pourquoi pas ? Magnificat anima mea Dominum et exsultavit spiritus meus in Deo salurati meo 6 ! s’exclama-t-il avec dérision.
    —    Bref, ta conscience est à vendre au plus offrant.
    —    Tout a un prix, mon ami. À preuve, n’es-tu pas en route vers la trahison ?
    Il reprit sa recherche dans la bible et s’arrêta sur une page. Son visage s’illumina.
    —    Ah, voilà qui est propice à ta situation, s’exclama-t-il.
    Puis il lut à voix haute et ma gorge se serra.
    —
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