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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1
Autoren: Irwin Shaw
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l’herbe foulée, la tête douloureuse, Noah sourit, parce qu’il savait ce que Brailsford voulut dire. Brailsford suppliait Noah de ne pas se relever.
    –  Espèce de salaud, dit clairement Noah. Je vais te casser la gueule.
    Il se leva et ricana en voyant l’éclair de terreur qui traversa le regard de Brailsford lorsqu’il leva le poing pour le frapper.
    Brailsford s’accrocha à lui et se mit à « travailler au corps » avec une bonne volonté presque touchante. Mais ses coups étaient mous et imprécis et Noah ne les sentait plus. Luttant pour se dégager de l’étreinte du gros homme, dans l’odeur de leurs deux transpirations, Noah savait qu’il avait battu Brailsford simplement en se relevant. Ce n’était plus, ensuite, qu’une question de temps. Brailsford était complètement « dégonflé ».
    Noah esquiva un coup qui l’eût probablement envoyé à terre pour la quatrième fois, et son poing s’enfonça dans le ventre mal musclé de Brailsford.
    Les mains de Brailsford tombèrent le long de ses hanches, et il resta là, vacillant un peu, regardan t Noah d’un œil suppliant. Noah s’esclaffa. « Voilà, caporal », dit-il. Et, de nouveau, son poing s’abattit sur le visage sanguinolent. Brailsford ne bougeait plus. Il ne tombait pas encore, mais il ne se défendait plus ; et les crochets au visage de Noah se succédaient sans relâche. « Et, disait Noah, frappant de toutes ses forces, de tout son poids qui, à ce stade du combat, avait cessé d’être négligeable. Ea ! Ea ! » Chaque coup augmentait sa puissance. La vie descendait, électrique, de ses épaules jusqu’à ses poings. Tous ses ennemis étaient devant lui, tous les hommes qui lui avaient volé son argent, qui l’avaient insulté, sur les routes, qui avaient chassé sa femme et meurtri son visage ; ils étaient tous là, devant lui, vidés, meurtris à leur tour. Le sang jaillissait de ses phalanges, chaque fois que ses poings touchaient la face agonisante de Brailsford.
    –  Ne tombe pas, caporal, disait Noah, haletant. Ne tombe pas encore, caporal, ne tombe pas, je t’en prie.
    Et ses poings frappaient, de plus en plus fort, de plus en plus vite. Et, lorsqu’il vit Brailsford s’écrouler, il tenta de le retenir d’une main pour le frapper encore, une fois, deux fois, mille fois, et il sanglota, fou de rage impuissante, lorsque Brailsford glissa sur le sol.
    Lentement, il se tourna vers le cercle des spectateurs. Ses mains pendaient, ballantes, à ses côtés. Personne n’osa soutenir son regard.
    –  O. K., dit-il. Ça fait dix.
    Mais personne ne répondit. Avec un ensemble insolite, tous tournèrent bride et s’éloignèrent. Noah les regarda disparaître, dans le crépuscule, entre les murs des baraquements. Brailsford était toujours à terre. Personne n’était resté pour l’aider à se relever.
    Michael toucha le bras de Noah.
    –  Allons, dit-il, c’est fini. Il n’y a plus qu’à attendre l’armée allemande.
    Noah repoussa cette main amicale.
    –  Ils sont tous partis, dit-il. Les salauds, ils sont tous partis.
    Il regarda Brailsford. Le caporal était revenu à lui, mais gisait toujours face contre terre. Il pleurait. Vaguement, il leva la main vers ses yeux. Noah le rejoignit, en quelques pas rapides, et s’agenouilla près de lui.
    –  Ne touche pas à ton œil, ordonna-t-il. Tu vas y fourrer de la saleté.
    Il entreprit de remettre Brailsford sur ses pieds et Michael l’aida. Ils durent le soutenir jusqu’à la baraque et lui laver le visage et nettoyer ses coupures, parce que Brailsford restait immobile, devant son miroir et pleurait sans qu’il soit possible de comprendre exactement pourquoi.
    Le lendemain, Noah déserta.
    Michael fut immédiatement convoqué, à la salle du rapport.
    –  Où est-il ? hurla Colclough.
    –  Qui cela, mon capitaine ? demanda Michael, au garde-à-vous.
    –  Vous savez p arfaitement de qui je veux parler, dit Colclough. Votre ami. Où est il ?
    –  Je l’ignore, mon capitaine, dit Michael.
    –  Pas d’histoires ! rugit Colclough. Tous les sergents étaient dans la salle, derrière Michael, et regardaient gravement leur capitaine. C’était votre ami, oui ou non ?
    Michael hésita. Il était difficile de qualifier d’amitié les relations qu’il avait entretenues avec Noah.
C’était votre ami ?
    –  Je veux que vous répondiez oui ou non, Whitacre, et rien de plus. C’était votre ami, oui ou non ?
    –  Oui,
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