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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers
Autoren: Olivier Merle
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et la peau, et montrait grand courage dans cette chute que nul
ne pouvait empêcher. Elle mourut dans les bras de mon maître, à ce que j’ai lu
dans ses Mémoires, et bien poignante fut cette fin qui laissa mon maître
désemparé et abandonné. Le baron lui scia le crâne pour y confirmer sa
diagnostique, et l’apostume était tant gros et purulent qu’il devait, en
opprimant les méninges, causer un pâtiment si fort à notre pauvre petite Hélix que
je m’apensai qu’elle était mieux entre les mains du Dieu miséricordieux qu’en
sa terrestre et misérable enveloppe.
    Faujanet cloua le cercueil de châtaignier où la petite Hélix
fut couchée pour toujours, et dans le nord de l’enclos, non loin de la fosse où
reposait Marsal le Bigle, elle fut mise en terre en une bien pénible cérémonie
devant tout Mespech réuni, et les mines étaient fort longues et fort tristes,
et la pluie qui s’en mêla n’arrangea pas les choses. Le baron fit le prêche,
sachant qu’il saurait, mieux que Sauveterre, mieux que quiconque, trouver des
mots simples et justes à destination de son fils, et il les trouva en une
courte citation de Calvin, et mon maître héroïque resta droit, coi et sec,
parvenant à retenir ses larmes, lesquelles devaient affleurer juste en deçà des
prunelles.
    L’ayant depuis lors côtoyé en toutes circonstances, à
travers maints périls et malfortunes, j’affirme que oncques ne revis mon maître
en si piteux état, tant broyé par le chagrin et la peine qu’il n’en fut plus le
même pendant longtemps. Sa résurrection, il la trouva dans le département de
Mespech, lequel se produisit peu après, un mois tout au plus, quand le baron et
Sauveterre nous réunirent en la librairie pour nous annoncer que le royaume
s’étant assagi, les querelles religieuses en apparente rémission, temps était
venu pour mon maître et Samson de s’en aller étudier en Montpellier afin que de
devenir savants.
    Comme vous ne l’ignorez pas, je fus du voyage, et quelle
équipée ce fut, qui nous conduisit jusqu’à la capitale du royaume, approchant
les plus grands, la cour et les rois ! Mais bien loin étais-je de
soupçonner pareille entreprise quand la date de notre département fut arrêtée
et je me ramentois surtout que ma première pensée fut pour Margot que j’allais quitter,
et ceci ternit fort la joie de cette aventure, laquelle s’ouvrait à moi en une
fortune inespérée.
    C’est dès le lendemain que je retrouvai Margot en notre
grange et notre union fut plus grave qu’à l’accoutumée, et mélancolique et
tristeuse, tout empreinte du pensement de la séparation.
    Parce que je ne savais qu’en faire en vérité, j’avais
apporté les cinq écus du baron afin que de les lui donner, sachant qu’ils ne me
seraient d’aucune utilité, mon maître pourvoyant à tout, et m’apensant qu’elle
en aurait meilleure usance.
    — Mais, Miroul, me répondit-elle, que m’importe cette
clicaille, lors que tu me quittes et que oncques ne te reverrai
peut-être !
    À la parfin, j’insistai tant qu’elle accepta, mais à
rebelute, affirmant qu’elle baillerait ces écus à ses parents qui en avaient
bien nécessité, et je suis bien assuré qu’elle en fit ainsi.
    De promesses nous n’en fîmes aucune, la destinée se pouvant
jouer tant de tours à des drôles de notre espèce, qui ne sont maîtres de rien,
ni de leurs décisions, ni de leurs entreprises, elle fille de laboureur attaché
à la terre, moi dorénavant valet au service des Siorac. Elle restait là, je
partais, c’était tout, et bien suffisant, hélas, à notre chagrin.
    Margot était forte, je l’ai dit assez, et elle ne pleura
pas, du moins devant moi, car je cuide qu’elle le fit dès que j’eus le dos
tourné. Et comment ne l’aurait-elle pas fait puisque de mon côté, comme mes pas
me ramenaient au château, j’essuyais d’une pauvre main tremblante les larmes
qui roulaient sur ma joue.
     
    Rarement mon maître, car ce n’est pas l’usage, s’en vient me
visiter au logis. Ce matin, pourtant, lors que je traçais avec application les
lignes ci-dessus, ému assez au pensement de Margot et de notre lointaine
séparation, il toqua à mon huis et, déclosant la porte, ma bonne compagne de
surprise le vit, guilleret et gaillard, comme à l’accoutumée. Il la salua, je
le saluai, et m’envisageant ainsi, penché sur l’écritoire et la plume à la
main, il se frotta les mains et arpenta la pièce,
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